Avant la représentation [des Trois Sœurs, de Tchekov, mise en scène par Peter Stein, en 1988], je pensais : Comment peut-on encore jouer aujourd'hui une pièce aussi vieilel ? Nous vivons tout de même dans un autre monde. Mais ensuite, j'ai compris que c'est exactement cela qu'il fallait faire. On a besoin de ces monuments, de ces choses comme le Louvre, par exemple, où l'on peut voir ce qui est beau. Même s'il y a de moins en moins de gens qui s'intéressent à ce qui est beau, une élite de plus en plus petite. Mais c'est exactement cela qu'il faut faire.

Je crois que la seule morale qu'il nous reste est la morale de la beauté. Et il ne nous reste justement plus que la beauté de la langue, la beauté en tant que telle. Sans la beauté, la vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue. Alors, préservons cette beauté, gardons cette beauté, même s'il lui arrive parfois de n'être pas morale. Mais je crois justement qu'il n'y a pas d'autre morale que la beauté.



Bernard-Marie Koltès, Entretien