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Playa Roja | Le sang des sables
Et du vent
mercredi 16 avril 2025

Revient la terre ferme – le désert de silence ocre et brûlé. Entre les falaises pâles et les vents salés de Paracas, surgit Playa Roja, une blessure dans la roche : une plage de sable rouge sang née, dit-on du frottement millénaire entre le granite rose et l’océan éternel, ou dans la coupure de quelques dieux mineurs sans nom. On dirait une terre ensanglantée par des souvenirs.
Les Paracas, anciens maîtres de ces rivages, y veillaient le ciel, le vent, les courbes des étoiles, on ne sait plus. Leurs mains ont tissé ces linceuls de lumière brodés d’éclats d’or, de spirales. Comment faisaient-ils pour vivre tournés vers les vents, le sel, les rites, et les morts, personne ne le dira plus. Le sable rouge recouvre les secrets de leurs sépultures éparpillées par le temps, les pillards, leurs cris.
On sait l’Histoire qui suit et par où sont venus les Conquistadors, la croix levée plus haut que le soleil. Ils n’ont pourtant rien vu de cette plage : ni sa couleur, son silence, aveuglés d’or et dans la soif des terres à prendre, des corps à plier. Les vents de Paracas ont hurlé dans leur dos, ils ont continué vers Cuzco, vers l’or, la fin de toutes choses ici bas.
Aujourd’hui, Playa Roja n’appartient plus à personne. Les touristes s’y arrêtent parfois pour une photo, un instant. Ils repartent sans entendre les histoires, voir l’effritement. Le sable rouge se dissout dans les vagues lentement. Le vent, plus sec qu’avant, transporte des déchets et ses échos de plastique.
La mer s’épuise. Les oiseaux, innombrables autrefois, se font rares. Les otaries dorment, souffles sont courts. Pourtant, le lieu résiste dans sa dignité minérale. Il garde ses teintes profondes, son mutisme, sa solitude. Il ne cède pas à l’oubli, préfère l’apprivoiser.
Peut-être que Playa Roja, dans cette fin crépusculaire de l’Histoire, est cette ultime métaphore. Celle d’un monde rouge de beauté et de sang qui s’efface sans bruit. Terre au bord du silence, rouge comme la mémoire, un adieu.
On reprend la route vers l’oasis irréelle de Huacachina cerclée de dunes, où sable, vent, et froid effaceront tout à nouveau.

















