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D’un 11 septembre l’autre

Leçons d’Allende

jeudi 11 septembre 2025


Juin. La Moneda sous la lumière blanche. Sa façade trop lisse qui ment par son calme même. Santiago vaque à ses affaires, la capitale joue son rôle. Quelque chose vibre sous l’apparence. Il suffit de s’arrêter, ne plus bouger au centre de cette place pour l’entendre : le grondement sourd de ce qui ne passe pas.



Les murs ont beau être refaits, repeints, blanchis – suintent encore. Sous le vernis, les impacts. Les ondes radio continuent de traverser l’air, avec les derniers mots d’un président à l’agonie.



À quelques mètres, la statue d’Allende. Le bronze figé dans son élan, le regard tendu vers quoi (derrière lui, le ministère de la Justice et des droits humains) — en ville, sur les façades, partout, son visage – icône, saint laïc, signal. Memento mori ? Souvenez-vous qu’il faut agir.



Juin, et septembre est revenu. Avec lui, l’évidence qui traverse les années : d’un 11 septembre l’autre, celui de Santiago n’appartient pas au Chili. Date qui est une brèche ouverte dans le temps, leçon inscrite au fer dans la chair du siècle.

Ce jour-là, nous avons appris. Que les bulletins de vote ne protègent de rien quand vient l’heure du coup de force. Que la « légitimité démocratique » n’est qu’un voile que les fascistes déchirent d’un revers de main. Que tous les compromis social-démocrates du monde ne pèsent rien devant le fracas des chenilles sur l’asphalte, l’acier dans l’air doux de la fin d’été, la vieille alliance entre les maîtres de l’argent et des armes.

Au Musée de la Mémoire et des Droits de l’Homme, la machine à écrire arrêtée au milieu d’un texte, les unes des journaux, complices, qui maquillaient le meurtre, et les visages accrochés aux murs des disparus. Ils ne demandent pas qu’on se souvienne, mais exigent qu’on soit prêts.



Septembre revient, et avec lui le fascisme qui ne renonce jamais, attend son heure, patient et méthodique. Fourbira ses armes. Organise sa violence.



L’histoire est à qui sait la saisir, et ce moment n’est jamais celui qu’annoncent les calendriers. Il surgit dans l’éclair de la reconnaissance mutuelle entre le passé opprimé et le présent révolutionnaire. Le 11 septembre n’est pas derrière nous : il est la possibilité permanente qu’il s’agit déjà d’empêcher.