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Jrn | Nulle part n’aura d’horloge
[29•07•25]
mardi 29 juillet 2025

Oh que le ciel sera propre et pur au-dessus
De notre absence et le temps
Nulle part n’aura d’horloge
Il fera beau
Beau de cette beauté sans pair
Où rien n’est peint tout n’est que blancheur
De la toile Beau
de cette beauté sans ride
Et sans nuage Beau
d’une beauté de bouche d’ombre
Beau d’atteindre le bord balbutiant du verre
Aragon, Les chambres
Ce passage dans lequel s’engouffre W. Benjamin — personne ne souhaite parler, même (et surtout) aux plus proches, de ses projets les plus essentiels : à cette superstition s’attache le goût d’un secret qui en voile d’autres, plus enfouis encore, et qu’à le révéler, on dissout le projet en même temps que ce qui scellait le secret sous le secret. Non, il ne s’agit pas tant du projet lui-même que de ce qui nous y enchaîne : un désir terrible, inavouable, l’ombre à midi devenue indiscernable de notre corps. Le dire serait ouvrir le gouffre, tirer d’un coup sec — comme un tapis — cette ombre qui seule nous tenait debout.
La vieille femme, tout près de moi, à son amie : « Alors moi, soit on ne me reconnaît pas, soit on me confond. » — la tristesse déchirante de sa voix, et le rire irrépressible de son amie.
Ne plus lire le journal qu’écœuré ; devant le rire gras de l’époque, cette comédie affreuse — comme si la tragédie n’était plus jouée que par des acteurs de boulevard.


