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Jrnl | Aux sursauts courageux
[25•09•14]
dimanche 14 septembre 2025

Pantin, Aubervilliers, prodige
De la Chimie et de ses jeux,
Voici venir la brise, dis-je,
La brise aux sursauts courageux…
Verlaine, « En septembre »
L’Empereur entre dans Moscou déserte à quatorze heures, soixante ans plus tôt ce même jour, l’Angleterre bascule soudain dans le calendrier grégorien — le 2 septembre devient 14 à minuit, onze jours avalés d’un seul trait, le temps bondit et emporte tout —, et puis, même jour, naît Amy Winehouse, presque aussitôt (vingt-sept ans plus tard) avalée aussi ; Haroun al-Rashid devient calife de Bagdad, la ville crie son nom, Charlemagne croit l’entendre, mais non, ce n’était qu’un enfant qui jouait, j’entends moi aussi son cri qui me parvient de la fenêtre — le quatorze septembre porte les autres, comme chaque jour de chaque vie, le temps qui fait semblant d’organiser le chaos pour mieux nous confondre et nous abolir.
Et puis, voilà qu’après l’automne d’hier, le grand ciel d’été — septembre flotte dans l’incertain. Dans cette suspension, les temps s’arrachent de leur solitude, viennent se heurter comme l’orage la montagne, où le fracas vient après la lueur. L’urgence monte depuis le sentiment océanique de la saison, cette vastitude de septembre qui hésite entre les eaux. Le monde est bien sûr atroce — dispose-t-on d’autres mots ? — mais dans cette indécision de l’air, quelque chose. Les saisons qui perdent pied, l’Histoire qui ne reconnaît plus ses dates, et septembre qui oublie son nom entre douceur et brise d’automne. Dans cette ignorance, peut-être.
D’autres quatorze septembre complotent dans le brouillard devant nous : et serai-je là pour les voir ? Un quatorze septembre qui ne portera pas ce nom dans une civilisation autre, sous d’autres cieux comptés autrement.