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Jrnl | Cherche
[25•10•06]
lundi 6 octobre 2025

Dans la chambre de ton esprit, croyant te faire des serviteurs,
c’est toi probablement qui de plus en plus te fais serviteur.
De qui ? De quoi ? Eh bien, cherche. Cherche.
Henri Michaux, Poteaux d’angle (1981)
Vingt-sept jours plus tard, et puis rien. On construit des tours avec des mots, empile les promesses comme autant de briques creuses, croit bâtir ce qu’on lève qui organise l’effondrement. Les réunions se succèdent dans ces salles aux lambris dorés, ça parle de stratégie et de responsabilité, de plateforme d’action : on insulte le langage avec les mêmes façons qu’on crache sur nous autres. La main qui croit saisir ne tient que du vent et le vent s’échappe. Quelqu’un dit ne plus comprendre, on parle d’acharnement. À quoi ? À tenir debout le vent ? Dans les coulisses, ceux là qui attendent, ont pour eux la patience. Quand la tour vacille, que les langues se confondent, il y a ceux qui se tiennent prêts à ramasser les décombres et bâtir sur les ruines un ordre de fer. Serviteurs croient servir l’ordre, et ne sont esclaves que de ceux qui se nourrissent du chaos, forces brunes tapies guettent l’heure.
La brutalité garde les portes, la violence les fait voler — seule la seconde fait lever le jour.
Ce soir, dans le ciel de Marseille des colonnes de fumée et de cendre montent depuis les collines, lentes, épaisses, et s’effacent dans le bleu qui les avale. Elles portent tous les morts de la veille, et ceux du lendemain, ceux dont les noms brûlent dans l’air sans qu’on les nomme. Les cendres ne savent pas d’où elles viennent, ni vers où elles vont : jusqu’à nous. Elles montent, et c’est tout ce qu’elles savent faire — montent vers un ciel qui ne les attend pas, ni ne les recueille, les laisse se perdre dans le vide qui est leur seul abri, mémoire de ce qui brûle toujours.

