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Jrnl | Une pierre
[25•09•13]
samedi 13 septembre 2025

Une pierre n’est lourde qu’à sa place.
Proverbe albanais
Matin lourd déjà de la promesse d’automne qui cherche son nom — et puis, elle le trouve : il pleut sur la mer vers dix heures qui semblent dix-huit, et la pluie sur la mer tombe avec le même secret que toujours — le ciel sans fond qui se précipite dans les surfaces pour rejoindre ses profondeurs, l’eau qui se verse dans son propre miroir, quel signe de quelle image vers quelle terrible évidence ? Le monde qui se dissout en lui-même sans reste.
Le jour lent. Pendant ce temps, le monde battait — poursuivant son commerce. Les vulgarités habituelles des pouvoirs en place, les crimes minuscules ou immenses commis en son nom : le monde comme l’alibi commode. Et tout qui s’additionne dans l’indifférence comptable des jours. On voudrait sauver le jour au moins dans quelques lectures (aujourd’hui, les Brefs tressaillements dans la horde de Cescosse : méchanceté nécessaire, douce plutôt qu’aigre, méchanceté fine qui sait découper dans le réel les lignes exactes qui contourent sa honte, celle qu’on voue aux puissances (et qui n’est pas la même méchanceté des puissants sur nous).
Il faut bien des armes contre le temps qui s’enlise et s’enfonce comme de l’eau douce dans le sable. Les heures font basculer les saisons, et septembre hésite entre la douceur du jour et l’ombre qui monte des pierres et jette ses grandes eaux sur la terre sèche. Traquer les signes. Le vol d’un oiseau qui traverse la vitre, l’angle que fait la lumière sur la page ouverte, le bruit de la pluie qui fait résonner la phrase en soi. Livres qui tressaillent et font signe depuis leur solitude vers nos solitudes partagées. La pluie continuerait. L’eau tomberait toujours autant vainement dans l’eau. Une goutte après l’autre, ce qui se remplit et ne déborde jamais, mais monte en soi, terriblement.
