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JOURNAL | CONTRETEMPS (un weblog)
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tension objective
lundi 15 juin 2009
De loin, je dirais que c’est le sol qui fume : de la terre froide dans l’air chaud ; la terre chaude transpirant dans l’air froid fumant plus que de raison le printemps de novembre (ces jours) : un feu de camp éteint par la pluie. Et dans le jour levé de bonne heure, et comme après de grands efforts, je passe devant ces minuscules tentes de verre alignées comme des platanes le long des routes - des serres dans lesquels poussent à la même vitesse, le même fruit, à la même date, pour un même goût. Et je finis, comme par réflexe, habitude quand je suis là, au passage et à la dérobée, l’appareil tenu à bout de bras et sans regarder vraiment, par prendre une image de la grande centrale nucléaire de Chinon ; chaque année depuis trois ans, une image qui signe le temps, les dépôts invisibles qu’on y porte : journal du temps qui n’est pas le mien - traversée objective, tension et travail objectif du monde qui se livre, toujours identique à lui-même ; et dans le changement infime de la lumière, tout ce qui bascule en moi.
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ouverture
vendredi 12 juin 2009
Porte qu’on referme derrière soi, sur une pièce sans lumière et sans recoin, angles fuyants qu’à force d’arpenter on a redessinée, dans le rêve et le désir d’une ville déroulée sous le pas — et la porte qu’on ouvre sur une autre pièce, incertain de ce qu’on va trouver, sensible seulement aux bruits qu’au loin on peut percevoir, emplis de territoires qu’en soi on porte, prêt à endosser sur des kilomètres imaginés en heures, en pleins et déliés de l’écriture ; geste qui dit la fermeture, qui est aussi son ouverture ; geste qui dit encore, je suis encore.
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invention du jour
jeudi 11 juin 2009
Basculer de l’autre côté, une étoile après l’autre (une vague après l’autre) ; les angles qu’on choisit, comme une bête mourir, ici aussi — mourir. Comme en décembre, la pluie ramassée dans la main : un jour après l’autre recommencé comme on l’écrit, on l’invente ; on le disperse.
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ce qui n’est pas possible
jeudi 11 juin 2009
« La vie se vit d’un côté et elle s’écrit à l’inverse, c’est à dire que j’ai le sentiment que les choses, les expériences que je vis et les gens que je côtoie à partir du moment où je les écris, je les mets à mort en quelque sorte. (…) Et à partir de ce moment-là, je ferai une œuvre de mort vis-à-vis de cette expérience vécue et vis-à-vis de ces gens que j’ai rencontrés. Non que j’éprouve un sentiment de culpabilité vis-à-vis de ça. Mais disons que j’éprouve une certaine difficulté à doser l’existence d’une part et à lui garder son indépendance par rapport à l’écriture et d’un autre côté à continuer à écrire. Et je sens des deux côtés, à la fois du côté de l’existence et du côté de l’écriture, une attirance pour vivre l’un et l’autre d’une manière entière et je sais très bien que ce n’est pas possible. »
B.-M. Koltès -
la coupure
jeudi 11 juin 2009
On creuse des tranchées, on triche les perspectives, on casse les cloisons, on ajuste les croisées, et on détermine les lieux d’entrées, les possibilités de sortir. Les murs sont dressés parce qu’ils entourent et délimitent, parce qu’ils permettent, aussi : qu’ici soit là, et au-delà — dehors : la racine du mot temple est la même qui nomme la séparation entre un dehors et un dedans ; l’espace sacré déterminé en tant qu’il n’est pas l’espace profane : la coupure qui donne sens ; séparation qui oriente les mouvements.