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Claude Régy | « La place des larmes »

Nombre d’or au sein de la sauvagerie

jeudi 3 juillet 2014

Dernières pages, derniers mots, de Espaces Perdus, de Claude Régy (1998)


Je vois des mouvements dans des espaces perdus. Je sens comme la vastitude, si simple, est un lieu pour les larmes. Je sens que ce que je cherche avec conviction je ne peux pas savoir ce que c’est. C’est en ne le voyant jamais à découvert que je le connais le mieux. Comme des échanges sous la mer.

Je pense qu’il faudrait des espaces perdus. Il faudrait cesser de les démolir. Il faudrait construire des espaces perdus.
Des espaces vides, vastes.
Des espaces libres, des espaces nus, où tout peut s’inscrire, où l’image est parfaitement visible dans son intégrité, dans son intégralité, pour tous les spectateurs, et proche de chacun d’eux.
Des espaces dans lesquels ce qui doit être vu dispose d’une surface supérieure à la surface où se tiennent ceux qui sont venus pour voir – pas forcément nombreux.
Qu’il n’y ait aucune séparation entre ces deux espaces.
Des espaces perdus ce serait aussi des espaces flottants, indéterminés, d’aucune spécificité particulière.
Des espaces vagues. Lieux qui inspirent. Esprits et murs ensemble. Lieux dilatés.

Je crois aux intersections. Je ne crois pas au confusionnisme
Je crois aux principes d’exagération, à l’utopie, à la non rentabilité.
Souhaiter que se multiplient des lieux de déréliction, qu’on sache où travailler. Qu’on sache où aller voir.
Penser à des lieux pour aventuriers. Des nomades.

Être très vigilant sur l’acoustique, sur le respect de l’absolu silence, du vide parfait.
Nombre d’or au sein de la sauvagerie.
Technologie de pointe en pleins lieux dévastés.
Plus d’un sanctuaire serait assaini si on y mettait le feu.
Lieux où coïncident les contradictions.
Lieux de fiction.
Lieux de folie, de mort.
Endroits sans mesures, de silence et de CRIS.
Des endroits où se taire sous la pluie artificielle.
Qu’on nous laisse la place des larmes. »