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Autre Savoir | Emma Morano, vie et mort du XIXe s.

On est de plus en plus seuls

dimanche 16 avril 2017

Autre savoir ici :
encyclopédie rétrospective des connaissances perdues

Source : France Info. « L’italienne Emma Morano, doyenne de l’humanité, est morte à 117 ans. Née le 20 novembre 1899, elle était la dernière personne connue dans le monde à être née avant 1900. »


Elle était la dernière à être née de l’autre côté du temps. Peut-être sommes-nous désormais davantage seuls. On sait bien que les dates, les jours, les seuils et les bascules, tout cela est convention, règles du jeu arbitraire fixées pour la gloire de Dieu et le salut des hommes, que ces règles sont d’autant plus absurdes qu’elles sont fausses. Mais pourtant, on accepte ces règles comme les seules, on est une part de ce jeu, et on vit avec lui en prenant ces règles pour la vie elle-même, et pour celles qui disent le destin, minuscule et tenace, de chacun.

Emma Morano est morte. La tragédie est relative : elle avait 117 ans. Il y a 117 ans, c’était donc un autre temps : c’était l’autre côté des choses vivantes. Emma Morano était la dernière, hier, à être née au siècle passé du siècle passé – avoir respiré l’air du XIXe siècle. La dernière. Et maintenant ?

Ce qui nous lie au passé tient à quelques détails, fragiles comme une vie entière disparue soudain, une vie qu’on ignorait avant sa mort, et qui, effacée, emporte avec elle toutes les autres, immenses et infimes.

On est de l’autre côté du temps, maintenant. On sait que c’est le bon côté : celui des vivants encore. On avance dans l’inconnu de plus en plus seuls, de moins en moins armés du passé, au milieu des tombes et des arbres, au milieu des dates, des noms perdus, des villes qui s’enfoncent, des derniers souffles qui s’accélèrent.