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loin de tous les soleils

lundi 30 avril 2018

Comment avons-nous pu vider la mer ? Qui nous a donné une éponge pour effacer tout l’horizon ? Qu’avons-nous fait quand nous avons détaché la chaîne qui liait cette terre au soleil ? Où va-t-telle maintenant ? Où allons nous nous-mêmes ? Loin de tous les soleils ?

F. Nietzsche, Le Gai Savoir [1]

Détroit, Droit dans le soleil


Des questions, il en tombe autour des nous des centaines comme au milieu de l’orage je courrais, hier, dans la pensée d’enfant que je pourrais, à force de vitesse et de ruse, passer entre les gouttes, qu’il suffirait pour cela de fermer les yeux et de crier : le bruit de la pluie recouvrait pourtant tout, et les questions continueraient de tomber autour de moi bien après que je sois rentré, trempé, vaincu, et joyeux.

Ne tombons-nous pas sans cesse ? En avant, en arrière, de côté, de tous côtés ? Est-il encore un en-haut, un en-bas ? N’allons-nous pas errant comme par un néant infini ? Ne sentons-nous pas le souffle du vide sur notre face ?[id.]

Les questions ne devraient pas être ce qu’elles sont trop souvent : des excuses pour ne pas avoir y répondre. Dans ce monde vieux qui pourtant résiste, et qui dans sa chute préfèrerait nous écraser plutôt que de choisir l’endroit le plus digne où disparaître, on est toujours une des questions, on oublie qu’on peut être aussi une des réponses. Lecture hier et samedi du terriblement beau Lambeau de Philippe Lançon. Trouver des questions aux réponses ? Non, juste de la dignité et des forces pour mieux voir l’époque. Dans ce monde vieux plein de terreur et de nuit, il faudrait peut-être cela : apprendre à voir mieux, ne plus fermer les yeux sur l’orage, et cesser de courir un peu en pensant qu’on échapperait aux grandes eaux des ciels : simplement s’arrêter, et peut-être même ouvrir la bouche, tout boire, tout recracher, et aller lentement du pas de ceux qui vont, lentement, vers des questions plus belles et des réponses plus grandes.

Ne fait-il pas plus froid ? Ne vient-il pas toujours des nuits, de plus en plus de nuits ? Ne faut-ils pas allumer des lanternes ? [2]


[1cité comme exergue par Kateri Lemmens dans son si bel essai, si essentiel dans nos jours : Nihilisme et Création.

[2id.