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à l’idée de chercher des théâtres

dimanche 5 mai 2019


A l’idée de chercher des théâtres sur ce circus, je me réponds que les boutiques doivent contenir des drames assez sombres. Je pense qu’il y a une police, mais la loi doit être tellement étrange, que je renonce à me faire une idée des aventuriers d’ici.

Rimb., Villes


Le théâtre est fait pour qu’on en sorte. On n’a pas tant de lieux comme celui-ci qu’on peut laisser. C’est comme lire : le plaisir du livre tient au geste de le fermer, c’est vrai. Soudain, les formes et les images sont closes, on les emporte avec soi. Le théâtre ne vaut que pour lever des formes et des ombres qu’on laissera. Dehors enfin, on est loin. Dans cette vie, on est surtout dedans, et tout près : des villes, des rues, des lumières et des nuits. Ce qu’il faudrait, c’est davantage de lieux desquels s’arracher, et vers lesquels on irait avec cette pensée, de l’abandon.

Peut-être est-ce pour cette raison que Genet voulait lever des théâtres dans les cimetières.

C’est pour cette raison aussi que les théâtres sont si impossible à aimer et qu’on ne peut en faire que par pure hostilité à l’égard de ce qu’il porte et charrie.

La question qui hante ces jours : celle de la violence. Qu’on nous inflige, et qui nous habite, qu’on inflige et qui nous rend sourd ; qui nous soulève et qui seul nous fait agir. C’est le critère de l’action : une réponse à une violence qu’on nous fait. Ou au nom d’une violence faite à ce qui est tenu pour peu et qui nous importe au plus haut. C’est une pensée voisine de la honte, qui est aussi une violence.

Il y a les violences qu’on a commises sur ceux qu’on aime et cela donne pire que honte. On vit avec elles comme ces cauchemars qui soulèvent quand on est réveillé, et qui ne partiront jamais.

On marche dans les rues insupportables de cette ville, et on s’arrête : on est perdu parce qu’on a marché trop lentement. On comprend que le sens de la ville tenait à une certaine vitesse. Les pensées violentes viennent : on sait qu’il faudra les conjurer ; qu’écrire ne sert pas à écrire, mais à fabriquer ce qu’il faudra laisser de soi. Mais sur le chemin du retour entre la rue de la L. et de la rue B., la fatigue était trop grande, et la vitesse presque immobile. Quand on lève les yeux alors, immanquablement, il n’y a qu’une fenêtre fermée, très belle et très inutile, qui nous regarde.