arnaud maïsetti | carnets

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langue maternelle

lundi 6 juillet 2009

Directions prises sans réfléchir, les panneaux, les indicateurs automatiques sur la route et dans les couloirs des métros : on suit machinalement les traces que la ville dépose pour nous et qu’on suit sans réfléchir, qui dit que le chemin le plus court entre un point A et un point B n’est pas le plus droit, mais celui que les panneaux indiquent.

Et quand on lève les yeux, sur tous les écrans, cette langue indéchiffrable, si belle de n’être pas prononçable - Port Royal, station RER, les écrans, tous les écrans, se mettent à parler cette langue (dans la cohue, je ne pourrai prendre qu’une photo, et floue : tant mieux, je me dis).

Quand on rêve à la langue la moins possible, la plus étrangère à toutes les langues du monde, désaissie du sens, on imagine autre chose qu’un écran d’ordre et d’indication, autre chose qu’une erreur informatique, et pourtant.
Dans le sac, j’ai ce livre, et je cherche la page, je la trouve rapidement.

« Il est des endroits du monde où ne se parle aucune langue, enclos fermés, zones de transit, îles et oasis sans drapeau officiel, sans heure légale, sans mœurs, sans histoire que celle du jour, de table en table, de personne à personne, d’étranges idiomes compliqués, de tous les mots de toutes les langues entendues et mêlés et simples au point que tout ce qui est essentiel se comprend immédiatement. (mais les Nord-Américains disent d’un air agacé : you don’t speak english ? et froncent le sourcil). Personne ici ne parle de langue maternelle et personne ne l’entend parler, personne n’aborde personne dans une langue définie... »

B.-M. Koltès, Nouvelle III