L’usure du temps va plus vite que le temps — on le voit dans les corps passés, on le voit aux visages, aux mains trop lourdes, aux jambes trop cassantes sous le poids des souvenirs qui se défont. On le voit aussi à l’importance qu’on cesse d’apporter aux mouvements du monde qui ne concernent plus et devant lesquels un haussement d’épaules suffit à dire : j’ai déjà vu ça, alors peu importe.
Aurais-je le temps du visage défoncé, du corps latent, traces plutôt que portes aux cernes condamnées ? Ai-je même (...)
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_villes
Articles
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corps noir
23 avril 2010, par arnaud maïsetti -
éternités des crânes
11 juin 2010, par arnaud maïsettiJ’étais je suis je serai (Claire Diterzi, "Rosa la Rouge", 2010)
J’étais, je suis, je serai Ich bin, ich war, ich werde sein Bytam, jestem, bede Pour rentrer, je décide de passer par le cimetière, la ville dans la ville, le projet idéal des grandes cités passées — impossible de se perdre, ici : tout est balisé, 45ème série, 3ème allée : on dirait des métropoles américaines : « à l’angle de la 13ème et de la 7ème » — sous les allées, on a indiqué des noms, mais si vagues et creux que personne ne doit les (...) -
les mille rapides ornières de la route humide
3 décembre 2011, par arnaud maïsettiJe jetai, par dessus le parapet, le canif qui m’avait servi à graver les lettres ; et, faisant quelques rapides réflexions sur le caractère du Créateur en enfance, qui devait encore, hélas ! pendant bien de temps, faire souffrir l’humanité (l’éternité est longue), soit par les cruautés exercées, soit par le spectacle ignoble des chancres qu’occasionne un grand vice, je fermai les yeux, comme un homme ivre, à la pensée d’avoir un tel être pour ennemi, et je repris, avec tristesse, mon chemin, à travers les (...)
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façades
16 avril 2010, par arnaud maïsettiDe l’apparence de nos vies cachées derrière les murs : du signe manifeste extérieur qui voudrait cacher le contenu latent derrière les pierres — de la réalité, qui n’apparaît qu’à la surface : dans la volonté de ne rien dévoiler de ce qui se dit dans les discours intérieurs.
FAÇADE (fa-sa-d’) s. f.
A. 1. Mur extérieur d’un bâtiment. 2. Cour. [Sans déterm.] Mur extérieur d’un bâtiment où se trouve l’entrée principale, généralement le plus décoré.
B. P. anal. 1. Littér. Partie visible formant un mur. 2. Fam. (...) -
vue imprenable
19 août 2010, par arnaud maïsettiblocs restreints, lacunaires, épars dans l’étendue de la voix qui les incorpore — et, de vide en vide, attisant leur mobilité, leur ajournement — la lame de l’abîme qui l’authentique en la chassant…
J. Dupin The Turn (A Pagan Lament) (Fredo Viola — ’The Turn’ 2009) La ville, c’était Gordes, elle est posée en bascule sur la montagne, les gens s’y pressent en été pour voir le vide dessous ; s’il y a trop de monde, on peut la voir se pencher davantage, presque tomber (dans la chute, on sortirait les appareils (...) -
des écrans
24 septembre 2010, par arnaud maïsettiLay Your Head Down (Keren Ann, ’Keren Ann’ 2007)
C’est si dense, ici, tout, même le vide où l’on va, immensément étirée, malheureuse, présence entre l’indéfini et l’infini, d’abîme en abîme Cette densité est déjà une réponse. Ne m’en demandez pas trop, quoique loin de terre, je suis plus loin encore du centre. C’est pour cela qu’il est tentant de se faire des écrans, si transparents soient-ils. Mais comme j’abattrais les miens, si vous veniez enfin.
Henri Michaux, Face aux verrous (XII. L’Espace aux ombres)
En (...) -
Les villes qui n’existent pas | Atitlán
1er novembre 2017, par arnaud maïsettiun endroit pour vivre jusqu’à y mourir
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lignes de partage
14 septembre 2010, par arnaud maïsettiCity middle (The National, ’Alligator’, 2005)
Des heures puis des heures au fil de mes yeux, aux prises avec eux sillonnant les terres de personne les poumons soufflant comme une avenue (…) les bulletins annoncent qu’aucune localisation n’est en vue pourtant je vois ce que je vois
Gaston Miron, L’homme rapaillé (’réduction’)
Lentement le soleil bientôt de l’autre côté — densité des choses les plus âpres, éprouver chaque matin dans le corps qui lance les lignes de partage : partout les lignes de (...) -
l’absence à l’histoire
23 février 2011, par arnaud maïsettiThe Greatest (Cat Power & Van Morrison [Live in Athens])
Comment se fait-il que, même dans l’immobilité la plus close, l’instant finisse par déboucher sur un autre instant et le temps, par passer, en sorte que l’absence à l’histoire soit elle-même toute une histoire ?
Claude- Louis-Combet (Blanc, 1980)
Rue étroite. Qui habiterait là ? Plus loin, il y a bien la rue de Bizerte : c’est un lieu possible où mourir. Et en haut, Nollet ; c’est un endroit où boire jusqu’à ne plus marcher. Mais ici, entre (...) -
soir à montorgueil
6 juillet 2010, par arnaud maïsettiMarion Barfs (Clint Mansell) Les mots de ceux qu’on frôle dans le noir alors qu’on marche sûr de soi et de sa direction, et en face, eux aussi ; alors on se croise comme on avancerait chacun dans un couloir différent, et les conversations qu’on saisit à la volée, au passage, quand on est à hauteur et qu’on entend : il n’est pas mort de ça
-- , ceux-là qu’on ne croisera plus jamais, c’est en bas de Montorgueil (le soir de la lecture), allée Breton dans les Halles, à l’ombre de Saint-Eustache, on a du Clint (...) -
dans son apothéose
1er septembre 2010, par arnaud maïsettiObscurément, dans les flancs du monstre, vous avez compris que chacun de nous doit tendre à cela : tâcher d’apparaître à soi-même dans son apothéose. C’est en toi-même enfin que durant quelques minutes le spectacle te change. Ton bref tombeau nous illumine. À la fois tu y es enfermé et ton image ne cesse de s’en échapper. La merveille serait que vous ayez le pouvoir de vous fixer là, à la fois sur la piste et au ciel, sous forme de constellation. Ce privilège est réservé à peu de héros. Mais, dix secondes (...)
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dans le désir et la volupté
4 janvier 2011, par arnaud maïsettiSorrow (The National , ’High Violet’, 2010) L’HOMME : continue, faisant un geste en direction des tombes ce ne sont pas des bêtises ils ont vécu et maintenant ils sont là maintenant ils sont morts maintenant il ne reste plus rien de la plupart d’entre eux bref silence ils n’étaient rien rien du tout puis il y a eu deux êtres humains qui allez savoir comment dans le désir et la volupté en tout cas oui il y a eu deux êtres humains qui il s’interrompt, regarde une tombe peut-être y-a-t-il eu un homme (...)
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marcher dans cette ville_
Stéphanie Khoury
3 septembre 2010, par arnaud maïsettiPerdre connaissance dans les rues : ne plus reconnaître les pavés foulés mille fois, comme si l’habitude les avait rendus nouveaux. Les souvenirs se dissipent, il n’y a plus de place dans la mémoire. Pourtant, toutes ces choses qui ne s’oublient pas — et que tu ne sais déjà plus si tu les as vécues — toutes ces choses paraissent loin.
Comme si un nouveau jour ouvrait sur une vie à chaque fois différente. Et pourtant — ce qui ne peut pas (encore) disparaître.
Sortes de voiles posées quelque part, (...) -
nous approcher
13 mars 2010, par arnaud maïsettiOn se déplace à pied dans cette ville, on passe d’un bout à l’autre de ses rues comme de la journée : et quand on gagne une minute de soleil, on perd une autre de nuit — alors, quand on revient de l’autre bout de la ville, on est pas délesté du jour, seulement moins lourd de la nuit à venir.
Aujourd’hui, au pied de la tour Pey-Berland, la foule arrêtée soudain comme en plein élan par un chanteur au timbre juste et fort — je remarque que ceux qui distribuent les tracts, une rue plus loin, s’approchent du (...) -
de la cime à l’abîme
23 août 2010, par arnaud maïsettiL’arc en l’abîme il est Du pont qui fut Droit comme un songe sûr Depuis le premier feu cordial Jusqu’à la combustion commune La fusion des souffles André Pieyre de Mandiargues As Your Bridges Burn Behind You (Peter Walsh : Laughing Clowns — ’Law of Nature’, 1985) Ce qui soutient le jour : ce qui rendrait supportable les lois de l’univers ; forme des choses qu’épouseraient sans effort mes violences intérieures (comme un cri dans la gorge qui ne cracherait qu’un soupir) — je cherche.
Que le fleuve coule (...) -
Le ciel a fait son temps
21 juillet 2011, par arnaud maïsettiStrange weather (Keren Ann, 2011)
Wake up slowly, there are blue skiesCutting white lines in black matter !
« Ô saison Le vide du cœur s’emplira-t-il Parce que la pluie tiède d’un visage Est apparue entre les feuilles ? Deux bouches en s’unissant pansèrent leur déchirure saison d’oragesaison d’ombre »
Michel Leiris (’Présages’, in Haut Mal, ’’Failles’’)
Temps indéterminé, qui passe – de deuil, celui des jours qui tombent dans le jour qui raccourcit de plus en plus, des jours qui ne connaissent pas la (...) -
sagesse du mendiant
21 septembre 2011, par arnaud maïsettiDans cette ville comme en mon propre rêve : quand chaque lieu est un signe qui se retourne vers moi, une figure qui me peuple, et qui s’adresse à moi : tous ces fantômes de moi qui se portent sur ces murs comme pour dessiner à la craie sur un tableau quelques phrases que seul je saurai lire parce qu’ils sont de ma main, au geste illisible de mon poignet –
mais signes qui parlent en moi leur langue étrangère, je passe des Grands Moulins à Bercy, il y a cette moto renversée dans son sang noir, plus (...) -
Saint-Thomas
5 avril 2010, par arnaud maïsettiDes murs, je traque les visages, les peaux mortes, les mouvements de sédimentation des villes — les expressions possibles d’une durée arrêtée ; et plus loin, emmenée.
Comme des entrailles, ces murs ouverts : j’ai le geste de Thomas — fouiller la plaie avec mes doigts, toucher la preuve de la vie après la mort : vérifier, de mes yeux vérifier : demeures saignantes des projets arrêtés.
Murs aux multiples épaisseurs : de la peau rongée jusqu’aux nerfs, grattée à l’os quand la douleur est trop forte pour (...) -
le tremblé du vide
24 janvier 2010, par arnaud maïsettiRue Thomas Man, quartier d’architectes : quartier dessiné d’abord à main levée sur de grandes tables inclinées, puis monté sur structures miniatures en bois ou en plastique, longtemps avant les premiers coups de pioches : et un peu après les derniers coup de pioches, levé du sol noir, tout un quartier prêt à l’emploi, jardins et ponts suspendus, rues larges, immeubles en acier qui le bordent.
Mais aucun commerce, que des banques dressées au-dessus comme si elles étaient là pour surveiller, et aucun (...) -
fonds obscurs des contes ancestraux
7 janvier 2012, par arnaud maïsetti« puis il retourna à son ouvrage comme si de rien n’était » : c’est là une phrase que nous citons souvent, venue, semble-t-il, d’un fonds obscur de contes ancestraux et qui peut-être ne se trouve dans aucun.
Kafka, aphorisme 108. Jamais plus que ces derniers jours je n’avais ressenti le besoin de la lumière – évidemment, c’est parce que j’en suis privé. Je compte sur les doigts d’aucune main les fois où j’ai vu le soleil, en deux semaines. Question de circonstances, de manque de chance ? Peut-être. On me (...)