arnaud maïsetti | carnets

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VI.

vendredi 24 septembre 2004


et qui tombe et qui vole et qui dans le même temps qu’il nage vole dans la mer nage dans le ciel tout cela est si puéril quand on le dit mais quand on le vit on a l’impression que c’est l’émotion la plus vieille du monde la plus lourde à saisir voir que la passé n’est pas tout à fait terminé
— ou fini : est-ce la même chose —

et alors tout est remonté mais tout en même temps et à la fois comme un homme qui s’allongerait sur un piano et qui étourdi de bruit en aurait peur se relèverait en s’appuyant encore plus fort et d’un coup sur ces poignets raidis de surprise et d’alarme et de joie enfantine je suis cet homme accoudé aux notes de ta vie 
et qui pour les faire résonner oublie le glissando et lui préfère le martèlement aveugle et forcené du poing sur les blanches et les noires et puis point d’orgue ronde au carré illimité infiniment 
ad libitum 
ad regressum 
ad tout ce que je peux au fond de toi qui resterait un peu au fond de moi 
précipité pâle de l’odeur de tes mots sur moi et puis et puis 
je me rappelle du temps 
où le temps avenir ne venait pas assez vite alors pour le faire venir je me rappelle tu courrais vite très vite et plus vite que le sol encore plus vite mais pas trop attends moi je me rappelle 
j’aimais te regarder courir et puis aussi dormir dans le creux de tes hanches 
j’aimais te regarder dormir enfin je veux dire de mon sommeil dans mon sommeil parce qu’il est évident que jamais tu ne m’aurais laissé 
approcher à un mètre de tes songes jamais de la vie et jamais de la mort non plus d’ailleurs tu penses bien tu avais trop peur peut-être je sais pas j’ai jamais compris cette pudeur que tu avais à me raconter tes rêves silencieusement déclarés avortés par je ne sais quel instinct de survie 
maintenant que tu n’es plus là qui d’autre me refusera ces contes je sais pas pourquoi je dis maintenant que tu n’es pas là tu n’as jamais été là en fait et voilà qu’un simple reflet sur une vitre toute mouillée par la pluie de février m’entraîne vers toi 
toi j’avais mis une si grande application à t’évacuer de ma mémoire à t’expulser de mon présent tu reviens sans crier gare et presque 
naturellement 
toi-même pour qui tout mon soin passé avait été d’exiler la souffrance exhalée de ta 
chère disparition 
alors résumons puisqu’il faut l’écrire :


VII.