arnaud maïsetti | carnets

Accueil > FICTIONS DU MONDE | RÉCITS > Des hypothèses > Hypothèse #1 | du soleil

Hypothèse #1 | du soleil

vendredi 25 janvier 2019

Que le soleil se lèvera demain est une hypothèse

Ludwig Wittgenstein


Si et seulement si tout était à refaire, des étoiles et du corps, de la vitesse des pierres quand elles tombent et de la violence du pouvoir, de ton corps quand tu marches, s’il fallait réécrire le monde, est-ce qu’il ne faudrait pas d’abord renoncer à l’écriture, et se livrer plutôt entièrement aux instincts féroces - les plus tendres -, aux lois du désir, et prendre pour modèle moins la science exacte des lettres que l’improvisation à tâtons des amants quand ils cherchent leurs lèvres dans le noir des yeux fermés, en plein milieu d’apres-midi ?

On sait aussi que les lettres ne sont pas exactes : c’est pour cela qu’on s’y confie, entièrement : qu’on s’y livre.

Le jour on attend la nuit pour le prolonger - et la nuit, on espère tant que le jour nous trouvera encore désirant, désirables. On en est là. La nuit, on complote contre l’ordre injuste et abject du réel et le jour on passe dans les rues en secret. La nuit, on voudrait la passer aussi - comme un mot entre nous. Le jour nous oblige, la bêtise de ses tâches. Vraiment, il faudrait autre chose que la nuit et le jour. Le soir peut-être, ou l’aube.

Il faudrait l’aube - et c’est déjà elle qu’on habite. Là on jette nos corps et l’un contre l’autre on réinvente les géométries et les temps ; on recompose l’organisation de la vie conçue en dehors de nous, et contre nous. L’aube qu’on prolonge comme on le peut possède ton odeur de jour défait et de nuit vaincue : il faudrait sortir habillé comme la veille. C’est cela qu’on fait aussi. On veille. L’un sur l’autre et contre les endormissements des hommes.

Si et seulement si on recommençait la vie, on en finirait avec le jour comme l’envers de la nuit : on en ferait une hypothèse amoureuse de plus, celle qui dirait et si. Et qui recommencerait tout avec elle.


Portfolio