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La Ville écrite | Marseille : vivez,

mardi 31 mai 2016

Sur les grands avenues de la ville, le slogan bat au vent comme une injonction morale : ENJOY, le mot suffit à notre peine : ENJOY, mais intransitif : la réjouissance sans autre objet qu’elle-même ; ENJOY, et trouve là une preuve de ton appartenance à cette ville, à ce temps ; ENJOY, puisqu’on te le dit ; ENJOY, on a dépensé sans compter pour cela ; ENJOY. Il faudrait parfois, dans les vies qui sont les nôtres, revendiquer le droit à la mélancolie comme geste d’insurrection.

C’était sur la gauche de l’avenue.

Sur la droite, les mêmes banderoles, mais traduites en français. La langue est retorse. RÉJOUISSEZ-VOUS était peut-être un peu long, et singeait trop ce qu’on dresse devant les grandes églises vides ; RÉJOUISSEZ portait l’énigme sans doute d’une joie mystique suspendu à sa propre transcendance. Ils n’ont pas dû chercher longtemps pour trouver.

VIVEZ donc, si m’en croyez (écrivait le poète), n’attendez à demain (ajoutait-il) : vivez, c’est un ordre, c’est une sentence, on a tout prévu ; n’attendez à demain, aujourd’hui, on s’en charge pour vous, pour nous (oh, le vouvoiement de masse qui vient se ficher en vous singulièrement) : parlant de fiche : évidemment dans la police majuscule qui dresse le mot vibrant de la joie, il y a la police, l’autre, qui la contrôle.


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