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Quand la nuit vient | Les arbres #7

vendredi 24 mai 2019

c’est ce qui explique la nuit qu’on soit seul
— sommaire

Ici nous intervenons sur les arbres.

Le panneau sur le trottoir l’avait surpris et il avait souri. Des hommes sur la chaussée s’agitaient un matin au pied de la rangée d’arbres : le soir tout était fini.

Le lendemain, on avait même retiré le panneau ; sur les arbres, rien de vraiment visible, sauf qu’on avait remué de la terre autour des pavés et cimenté le trottoir.

Les arbres dans la ville, on les voit surtout l’hiver, les branches mortes qui montent, et au tout début du printemps, quand soudain ils explosent sur le sol en taches d’ombre. Mais sinon, c’est toujours d’une grande vanité, peut-être.

On a planté des arbres le long des routes, là où sans doute il y avait eu des arbres en désordre avant la ville, des arbres qu’on avait rasés pour construire la ville. C’est dans le plus grand ordre qu’on avait planté ensuite les arbres, alignés, et tous au même moment pour qu’ils puissent avoir la même taille plus tard. Ou alors on les avait plantés de cette taille, et eux ne pousseraient plus. Les arbres dans toutes les villes ont la même taille et la même forme, alignés à même distance.

Est-ce qu’on sait leur nom ? Est-ce qu’ils portent le même nom dans la forêt ?

Puis il pensait aux forêts.

Il n’en avait jamais vues, évidemment. Des bois, oui. Des bois plantés comme des villes qu’on jardine, avec des rangées nettes et des longs chemins comme des rues qui se croisent.

Oui, beaucoup.

Mais des forêts, avec des arbres qui poussent trop haut et tuent ceux qui les entourent, avec des arbres qui empêchent qu’on respire sous eux, des arbres qui tombent parfois sous leur propre poids, non, jamais.

Il pensait aux forêts, lentement, au bruit que cela doit faire, les arbres morts. Il y pensait quand l’hiver il regardait les branches mortes, ou quand, au printemps, on les rénovait pendant les heures de bureau.