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Pour Claude Favre | vase-communicant (collectif)
samedi 8 septembre 2012
Depuis près d’un an, je m’étais tenu un peu loin des vases-communicants, dont je n’avais pas manqué pourtant un rendez-vous pendant les deux premières années. C’est inattendu pour moi d’y revenir. Il fallait bien ceci, pour l’occasion — un vase-communicant collectif, offert tout entier à Claude Favre, poète si importante, langue essentielle pour ce monde, qui nous manque, mais qui reviendra, j’en suis sûr.
Ce vase fêlé, on s’est mis à plusieurs pour le monter de nos mains, te dire qu’on pense à toi, Claude.
On est donc ici huit à trahir un peu et joyeusement l’esprit des vases-communicants (mais j’imagine que l’ensemble des auteurs qui ont écrit pour Claude reprendront ces textes sur leurs sites.) L’esprit des vases-communicants, c’est d’écrire chez l’autre : donner l’espace d’un jour (le premier vendredi du mois) les clés du site à un auteur, charge à lui de pousser les meubles comme il l’entend, on reviendra le lendemain (pendant ce temps, on est chez lui).
Pour ce mois, on donc est tous un peu chez Claude, qui est fort en nous, aussi, ces derniers temps surtout. Alors, ces textes comme une manière d’échanger entre nous et d’échanger surtout pour elle. Ces échanges ont la simplicité de la pensée adressée, et l’amitié d’un partage qui se passe de cérémonie. Un vase plein, ce jour qu’on dit de rentrée. Pensées à Claude Favre.
et pour le reste des vases-communicants de ce jour : voir le site qui les recense : http://rendezvousdesvases.blogspot.fr/
Les auteurs pour Claude Favre :
— Brigitte Célérier
— Sabine Huynh lire
— Jean-Yves Fick
— André Rougier
— Danielle Masson
— G@rp
— Arnaud Maïsetti
— ana nb
Les yeux de Claude – les yeux de Claude ont repris vie, dit-on – leur souhaitons, leur demandons de lui porter joie.
Les yeux de Claude, la rare, la toujours présente – les mots de Claude, force, violence, et tendresse, et justesse et rire parfois – besoin en avons
Eux, yeux de Claude Favre leur demandons juste l’acuité qu’elle en attend, juste
et mes yeux lisent, entendent :
ça râl’caboche et son branle
ça crac le coeuret noeuds des yeux dans le
ciel étonnantet racl d’faces coeur bunker
plus on sait plus des espoirs
(Cargaison – « Atelier de l’agneau »)
Claude Favre, derrière ses mots –résistance, rouge - leur poésie forte, leur violente tendresse
Les yeux, les mots, Claude, suis là lointaine et timide, ne peux qu’essayer de comprendre, vraiment, ne peux que ne pas oser penser pouvoir le ressentir
qu’en juillet la voix les yeux le corps de Claude Favre se sont tus & se dire chère Claude Favre la mer devant vous la mer derrière vous courage Claude Favre dont on ne connaît que la respiration le souffle obstiné la "mal langue" les défis & les dérapages fulgurants penser à Claude Favre dont on a vu des photos entendu la voix deviné les bracelets monter et descendre sur son bras & dessous les os & se dire que dans leur moelle s’échafaudait déjà le gris du jour où la main a cessé de répondre le visage de sourire la rétine de capter imaginer Claude Favre fauchée Claude Favre à terre_ du malaise noir plein la tête les cheveux comme un rideau de crêpe tiré sur ses traits fatigués Claude Favre en mémoire muette en bouche fermée sur des plaisirs enterrés vivants roulés en boule en chute libre dans sa gorge sèche voir Claude Favre à la fois immense & minuscule Claude Favre touchée atteinte éteinte volée vouloir étreindre Claude Favre pour ramener Claude Favre à la voix à la danse à l’illusion s’il le faut comme si l’on détenait un quelconque pouvoir au-delà du vouloir & du croire savoir que Claude Favre a fichu le camp voir Claude Favre autrement dans l’antichambre immobile Claude Favre harcelée par les tais-toi le visage tourné vers le mur & se demander si lamentations il y a eu si de l’autre côté du seuil on est aussi seul que du côté de la frayeur de vivre être loin de Claude Favre mais espérer que ces lignes lancées par-dessus les ondes atterriront chez elle écrire "j’irai vous voir demain" en le pensant étirer les doigts les bras le cou jusqu’à Claude Favre jusqu’à la caresse jusqu’au baiser jusqu’au réveil au retour de Claude Favre aux dialogues avec Claude Favre à ses mots qui s’ébrouent et merdRent gaiement en évacuant le goudron de leur ailes pour l’envolée
quelque / du / soir / l’heure
la / voix / passe / l’ombre
d’une / aile / inaudible
la / nuit / s’enracine.
les / sources / vont / rares
au / mitan / des / pierres
l’âpreté / des / vents
dessine / des / runes.
un / lent / brasier / – l’étoile
glisse / sur / l’eau / nocturne
le / silence / dilate
l’obscurité / des / voûtes.
ni / chemins / ni / pas
d’ici / le / lieu / seuil
à / toujours / rejoindre
quelque / feu / aveugle.
le / dièdre / se / clive
où / la / forme / incline
le / rêve / déferle
le / souffle / s’emporte.
que / le / pas / délaisse
d’un / geste / la / nuit
une / voix / diurne
endort / les / étoiles.
d’où / sont / les / visages
la / rive / les / flots –
mais / l’eau / impassible
reflète / cette / aube.
À Claude Favre, sans qui rien n’aurait été comme il est

Ce qui vient :
ruban qui se dévide,
butin furtif,
lent en ses enfances, ruine
que tout ronge et que
rien n’interrompt,
affût des faucons
que le temps toujours
finit par assouvir,
pans, strates et viles
questions pour de bon arpentées,
imbibant toutes poignes,
toutes saisies, toutes infortunes,
et les paupières pliées,
la fièvre veuve, l’âge sans raccord,
l’ombre qu’on mutile,
le regard comme déchu
sous les doigts en sang
de l’accoucheur,
don des rages du retour,
de l’acte comme oubli,
et (même flairant le piège)
de l’obscur plaisir de s’en aller
jusqu’aux bois de passage,
et la tenaille du feu,
tâche à parfaire, toujours,
mais à l’écart, là où
rien, ne fut en vain
forgé et soupesé,
ni la blessure de grandir,
ni la plaie de trop
qui moque, mais ne t’altère ni ne
te discerne
– 1 -
« ça me triste » de ne vous avoir découverte que dans le feuilleton de Poezibao en ce début d’été 2012 !!!!
– 2 -
« ça me triste » de ne pas avoir appris le pluriel des mots en –ou avec vous.
Un bijou ce poème1.
Il m’en reste un caillou dans ma chaussure qui me fait mal de ne pas vous avoir entendu le dire ou le lire, je ne sais le mot approprié.
Mon genou se serait-il plié en signe d’admiration ?
Les hiboux veillent et écoutent eux aussi. Ils sont choux.
Vous avez fait joujou avec les mots conjugués au passé ; ils me vrillent les oreilles.
– 3 -
« ça me triste » de ne pas avoir lu plus tôt votre « pas de titre ni rien ».
J’étouffe.
Je sombre.
Je litanie à bout de mots autant de « es-tu là. » hurlés que vous.
Je mets un ? contre votre ..
Je suffoque à chacun de vos points posés.
– 4 -
« ça me triste » d’être entrée à reculons dans votre Agencement
Répétitif Névralgique (ARN) « brûleurs ».
Je ne savais pas quelle page commencer.
L’ordre était-il vraiment si important ?
Les mots sont trop forts.
Ils hurlent dans mes oreilles.
Quelle terre d’asile vous nous tend les bras ?
– 5 -
« ça me triste » de lire et relire « Vrac conversations, ». Il n’est jamais trop tard.
Le chaos n’est pas là où on croit Mais d’un mot ça saute à l’autre & dans l’espèce d’espace né entre les deux qui pas n’existe, ce pas, de côté, l’interstice, fracturant le vide du silence de la page, des forces en présence apparaissent, combat se livrent, avec cri de guerre hallali à l’assaut du son, de la langue, les mots, l’écho du son des mots de la voix, se heurtent, entre chocs, croisent le faire jusqu’au jaillissement des étincelles de la - vois ! - langue de guingois - première impression - l’avant garde qui jamais ne se rendra - tordue pour mieux t’écouter lire mon enfant - deuxième impression - jusqu’à ce que la langue d’abord lue en tête à tâtons résonne en voix de l’envers et contre tout à la fin touche. Du k.O apparent des mots jaillit alors l’ordre dissimulé camouflé de la langue en tenue de combat à l’assaut du réel lancée en roquette, en flammes avec l’o(r)eil(lle) aiguisé(e) d’un sniper - shot ! - tranchant net sec l’épaisseur du quotidien âpre paré de la ouate étouffante anesthésiante administré à la volée en becquetée à moineaux - nous. Le chaos n’est pas où on croit, car lui veille - - shoot ! - - un jour demain la vie est belle comme une overdose - - shot ! - discussions à bras le corps à haute voix à prendre à lire en gueuloir & veines saillantes
le cadavre sort par la
langue, c’est quand même
une histoire vraie
le tournis c’est sûr que
pas le silence, c’est sûr
que pas le silence,C. F.
Dit la langue est matière de vivant, celle qu’on mâche dans la bouche longtemps dans le noir pour pouvoir ensuite, fort, la lancer, parois du monde qui résiste ; dit la langue résiste le monde, l’arrête, ses scandales ses douleurs ses blessures, c’est dans la bouche les mots comme du verre pillé et quand ensuite tu l’ouvres, coulent tant, et tes doigts trempés, à la source pure des lèvres, et la page qui vient s’écrire elle porte cela aussi, qui la nomme, coulure transparente aux amertumes ; dit aussi quand délire le monde ses fables et que soudain on voit, nous, ce qu’on ne verra jamais de nos yeux tus : et les rêves partout qui débordent, les lèvres comme des mains portées sur le noir partout pour l’agrandir, et sur les parois les ongles, qui s’arrachent, y déposent de la peau, ce n’est rien, ce n’est rien, et avance la langue encore pour, encore, arracher la peau morte des murs, les doigts à l’encre sèche reviennent à la bouche pour encore rouge de noir ainsi léchés reprendre la marche, plus loin plus loin ; dit la vie n’est pas ce que l’on nous avait dit, toute cette masse inerte de corps qui dans les rues forment ce caillot de pensées dans le corps inerte du monde amassé partout, il faut bien qu’un vienne et dise : non, ce n’est pas cela, du monde j’en ai le corps plein aussi, et c’est un autre, oui : la langue viendra à sa blessure pour dire : ce n’est pas cela, ce n’est pas cela, parole de vivant ; dit le rêve quand on ferme les yeux possède la même couleur de nuit mais c’est pour mieux la voir, alors la langue s’y enfonce, et parfois plus longtemps qu’une nuit, parfois plus longtemps que deux nuits ; trois commencent l’éternité du réel qui lui résiste ; alors le prix à payer ; dit la vie le prix à payer de la vie, je n’ai pas la monnaie et le froid quand il fait froid, je n’ai pas la monnaie du temps qui passe, dit le corps qui là au milieu de la pièce peut tomber, et se réveille ailleurs, et toutes ces visions de la mort quand on la met au passé ; dit la mort enfin, mais c’est seulement pour ne pas la dire jamais, et dire : parole de vivant puisque l’au-delà n’existe qu’en moi, c’est cela que mon visage porte sur le visage ; dit le visage de mon corps, blessé, mais tenu à bout portant de nous, comme pour nous dire : je dis encore ; dit le monde impossible, son organisation aberrante, un port d’où on ne part pas, juste un quai, le monde comme un quai, et tout ce monde là qui tourne le dos à la mer pour vider les poissons, dit les corps des poissons quand on les vide, comme on viderait le corps et la tête de toutes ses pensées, mais la pensée résiste, et chaque poissons morts entre les doigts portent la mer en lui et son désir, et la rejoindre aussi, masse mouvante sur corps vague qui dérive ; dit la dérive, mot de dérive : s’être retrouvée au bord extrême du vieux monde, et n’avoir rien pour franchir que la langue : la langue franchit, alors ; dit chaque mot dans le noir pour l’enfoncer, et dans la gorge, se dira autre chose que le mot mais parole de vivant, la vie qui insiste, qui ne cesse pas de réveiller le corps même si après être tombé, le corps articule les mots plus lourds, ceux qui demeurent vivent encore plus loin que nous ; alors, dit la langue pour nous dire ce qui au plus profond de la langue vit encore, pour que nous, pauvres de corps et sans la mort pour nous, puissions suivre des yeux la trajectoire de la vie sur la peau morte du monde qui l’invente ; dit après le silence, que le silence est mort, lui aussi, d’avoir été accompli et franchi, et qu’au réveil, la langue puisse dire : pas le silence, et tout ce qui lui résiste, le corps posé au travers de la gorge du monde, pas le silence, jamais
elle jette la langue suppliante - play - elle jette la langue disciplinaire - play - elle jette les lignes les phrases les chapitres - play - à la gueule ouverte des conclusions sans X
play - contre play- de quel temps sa voix incarnée
elle rapte les signes des abysses - play - street abysses - play -
elle bat l’écriture glorieuse - play - elle bat l’écriture vaillante - play -
elle bat toutes les écritures trompeuses - play -
elle porte l’épée dans sa langue elle enfonce les sons hurlés sous ses ongles dans son palais dans la crypte du récit à purger
play - contre play- de quel temps sa voix incarnée
elle rapte l’apesanteur - play - street apesanteur - play
elle abat le roi malheureux - play - elle abat le procurateur de l’introduction - play - elle abat le lexique captivant - play - elle abat le ciment serré de la juste syntaxe - play
elle claque sa voix contre les ruines de la confusion elle trace un cercle les yeux fermés - et au- delà elle brise la lenteur sonore du ciel
elle crache l’air vide - play - elle crache l’air du rien - play elle brise le cercle aux origines brumeuses -play
elle tourne elle tourne elle vacille elle tangue elle tourne avec la solitude de l’araignée
elle se tient là - elle cache dans ses os dans sa peau dans ses yeux la luz luces lumière
elle capte l’inverse des pierres - play
le corps arrêté de l’enfant - play - dans sa bouche le mot peur -le corps arrêté de l’enfant - play - dans sa bouche le mot faim - le corps arrêté de l’enfant -play - dans sa bouche le mot sommeil - le corps arrêté de l’enfant - play- dans sa bouche le mot froid - le corps arrêté de l’enfant -play - dans sa bouche le mot guerre - le corps arrêté de l’enfant - play - dans sa bouche le mot feu - le corps arrêté de l’enfant - play -dans sa bouche le mot maison - le corps arrêté de l’enfant - play - dans sa bouche le mot soldat -le corps arrêté de l’enfant - play - dans sa bouche le mot cicatrice - le corps arrêté de l’enfant - play - dans sa bouche le mot frontière - le corps arrêté de l’enfant -
play - dans sa bouche le mot - musique
play - contre play - de quel temps sa voix incarnée
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