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à la nuit tombée (et au temps qu’elle met)

mardi 21 janvier 2014


Je ne le savais pas. La nuit ici tombait pendant des heures, lentement. Amsterdam est une ville comme un cercle. Quand j’approche du centre, c’est vide. Mais si je m’éloigne, d’autres canaux emportent d’autres souvenirs, et d’autres lenteurs. La nuit ici tombe si tôt. À midi, c’est déjà bientôt fini. Peut-être dès le matin, je ne sais pas, je ne sais vraiment pas, je ne sais rien.

Dans cette nuit qui ne cesse pas de tomber, je me tiens.

C’est sur cette place, que j’ai trouvé cette statue (je n’ai jamais retrouvé où c’était, les jours d’après). Un homme peut-être célèbre, un peintre sans doute (ici, on ne donne le nom des rues qu’à des peintres — mais comme ici tout le monde est peintre, tout le monde nomme ces rues). Il y avait comme un trou de lumière, je me suis reculé, et la nuit continuait de tomber, elle n’en avait pas besoin.

Bien sûr, je cherche les images, les allégories. Que la nuit mette toute la journée à tomber, cela me bouleverse, bien sûr. Et bien sûr je suis resté sur cette place, sans rien comprendre de la lumière, du trou qui s’était formé à deux pas, en dehors duquel je me tenais.

Sur les huit photos que j’aurais prises, vers 17h16, et jusqu’à 17h18, ce sera la même place, mais peut-être je me trompe. Je ne sais pas, vraiment pas. Sur l’une, il n’y aura rien, sur une autre, un trou de lumière plus lointain, côté jardin ; et sur une autre aussi, un homme qui passe ; sur une autre enfin, une voiture qui s’éloigne.

Je pense à l’homme qui passe et au poids de la nuit, à la vitesse qu’il lui faut pour s’effondrer, tandis que les héros meurent sur les scènes, tandis que les corps tombent et se relèvent aussi, tandis que les cheveux poussent sur le désir qui ne cessera pas, tandis que près de la mer la mer bat, et tandis que peut-être quelqu’un naît, quelqu’un danse, quelqu’un s’échappe dans la pluie qui ne tombe qu’à la nuit tombée.

Sur toutes les images, j’écoute Not Dark Yet, je le sais.