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emmuré
mardi 20 juillet 2010
Climbing up the Walls (Radiohead — ’OK Computer’, 2007)
I am the key to the lock in your house / That keeps your toys in the basement
And if you get too far inside / You’ll only see my reflection
Le grand mur qui se lève, matin après matin, une pierre après l’autre dans la nuit, est percé de portes qu’on ne franchit pas — ou plutôt qu’on traverse dans un sens seulement ; et quand on se retourne, c’est terminé : on est passé.
L’aube édifie ainsi lentement l’oubli, nécessaire, essentiel, sans quoi on irait sans repos d’une pièce à l’autre et on se perdrait vite. Les murs ont l’avantage d’enfermer, de cacher, et d’interdire. On peut aussi écrire sur eux : on ne les percera pas plus — on peut se jeter sur eux, on laissera un peu de notre sang, et quoi d’autre ?
Le sang ne fait pas mieux que le corps : il ne passe pas non plus, sèchera peut-être sur les parois : écrira d’autres lettres dans des alphabets muets : non, rien d’autre.
C’est toute une ville emmurée vivante que j’ai dans le crâne : des rues où plus rien ne circule, des boutiques fermées qu’on a pris le temps de saccager avant le matin — ce matin.
J’avais bien cependant, la seconde après le réveil, les plans en tête et cette ruelle par laquelle accéder (les égouts peut-être ? les bords du fleuve ? les souterrains du métro ?) : mais tout s’est effacé sous la douche.
Maintenant, la ville ne crie plus derrière les murs, tout doit être mort. Je sais bien qu’une autre se bâtit à la lumière du jour, souvenirs au-devant de soi qui m’attendent, désirs d’être réalisés, pensées, le corps dans sa jouissance d’être exposé, présent : ignorant pourtant que tout autour des pierres se lèvent déjà autour desquels se décomposer, dans le silence et dans le noir.