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Entrer, sortir. Une échappée poétique_
Geneviève Dufour

vendredi 1er octobre 2010



I’m Not Yours (Angus & Julia Stone, ’Down the Way’, 2010)


J’ai quitté ma country doucement comme on sort la nuit d’entre les draps pour ne pas réveiller l’homme qui sommeille tout près. J’ai marché sur les trottoirs avec une fausse rêverie : devenir autre. Et puis, j’ai rencontré Arnaud. Il se dirigeait en sens inverse. Je crois qu’il cherchait la clôture de bois cernant la plaine. Il cherchait le monde écrit. Il ne m’a pas reconnue. Il a poursuivi son chemin. Petite ombre lointaine. Visage évanescent. Je me suis retournée, ai continué ma route. Que des quadrilatères. Des géométries géantes. Des structures de métal avec au centre, un arbre planté bien droit, l’écorce fraîche, blanche et appétissante. Il y avait un arbre à pain qui générait de belles solitudes. Une pâte ronde et chaude. La secrète splendeur du pain est la même que celle qui rôde à cette heure-ci dans les eaux limitrophes ceignant ma country natale. Le pain qu’on se met en bouche, que l’on rompt, qui se disperse sur la planche puis dans nos mains. J’y vois de bonnes choses pour la poésie. Les espaces latéraux sont fondés sur des terres de pain, de brume et de sel.

Car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.

Francis Ponge

Je crois à la solitude rompue comme du pain par la poésie.

Anne Hébert

Et c’est ainsi que la cowgirl dorée est sortie de sa country par une nuit pluvieuse. À cheval sur septembre et octobre. De sobres montures. Elle est sortie quelque temps. Elle a fait des rencontres : le pain, le métal, la poésie, les géométries singulières. Elle a fait connaissance avec la silhouette d’un écrivain. Puis, la cowgirl est rentrée, s’est silencieusement glissée sous les draps comme on dépose une cigarette soyeuse entre nos lèvres, comme on entre dans une baignoire brûlante.

Geneviève Dufour



Le premier vendredi du mois, depuis juillet 2009, est l’occasion de Vases communicants : idée d’écrire chez un blog ami, non pas pour lui, mais dans l’espace qui lui est propre. Autre manière d’établir un peu partout des liens qui ne soient pas seulement des directions pointant vers, mais de véritables textes émergeant depuis.

Pour les Vases communicants #15, j’accueille Geneviève Dufour — qui tient depuis août 2008 le blog le monde écrit, nom merveilleux, et textes qui ne le sont pas moins, dans l’approche de soi d’une sensibilité extrême, du quotidien et de ce qu’il dépose de profond, d’inaccessible, et de brûlant. Sorte de vue sur une écriture dans la relation intense qu’elle tisse avec la vie : dans le désœuvrement parfois, la mélancolie puisée dans la joie même ; et puis les lectures, la musique, tout ce bruit de fond du monde qui crée l’appréhension des choses, cela mêlé et traversé de belle force.

Le mois dernier, j’échangeais avec Stéphanie Khoury, qui habite la même ville que moi — aujourd’hui, c’est de l’autre côté de l’atlantique que nos vases communiquent : les liens qui se tissent ne connaissent pas de frontières.
Ce n’est pas la première fois que je laisse ici ces pages à des écritures venues de ces fuseaux horaires, et je crois dire qu’elles ont été signes d’amitiés et de partages véritables : lire les échanges avec Annie Rioux, ou Mahigan Lepage. Le Canada / Québec est pour moi un étrange désir : une terre, une langue, à la fois radicalement autre et même, un ailleurs possible.
Je n’ai jamais traversé l’Atlantique autrement qu’en lisant ces blogs frères ; manière de jeter les ponts avant de les traverser ? Sans doute. L’échange est en tout cas, sur ce point aussi, d’importance pour moi.

Merci à Geneviève pour l’accueil sur son blog


Et suivre d’autres vases communicants ce mois — tout cela sous la veille bienveillante et généreuse de Brigite Célérier

 François Bon et Daniel Bourrion
 Michel Brosseau et Joachim Séné
 Christophe Grossi et Christophe
 Christine Jeanney et Piero Cohen-Hadria
 Cécile Portier et Anne Savelli
 Juliette Mezenc et Louis Imbert
 Michèle Dujardin et Jean-Yves Fick
 Guillaume Vissac et Pierre Ménard
 Marianne Jaeglé et Jean Prod’hom
 David Pontille et Running Newbie
 Anita Navarrete-Berbel et Gilda
 Matthieu Duperrex
 Geneviève Dufour
 Jérémie Szpirglas
 Maryse Hache et Candice Nguyen
 Nolwenn Euzen et Olivier Beaunay
 Lambert Savigneux et Brigitte Célérier