arnaud maïsetti | carnets

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identités

vendredi 12 mars 2010

À l’instant où les portes du train se ferment, l’homme à ma droite sort une pile de magazine et de journaux dont il lira consciencieusement chaque article avec respect et dévotion, comme à la recherche d’une vérité solide : Le Figaro (et ses suppléments), Aujourd’hui, et surtout, Jogging Magazine, dont je note qu’il se le réserve en dernier : lecture qui l’occupera la moitié des trois heures de trajet.

Devant moi, à gauche, le jeune homme sera plongé pieusement dans Automobile Mag’, mais seulement la première heure : ensuite, il dormira, sans doute repu, et comblé de quoi ?

Dehors, les forêts passent en rang, tendent vers autre chose qu’ici dans le désir de s’arracher du sol qui les nourrit : je partage un peu, de l’autre côté de la vitre, ce mouvement : mouvement dont je suis le prolongement sur mes doigts frappant une lettre après l’autre des lignes aussi horizontales que le sol, celui que je longe et qui m’emmène.

Alors, au moment où je me demande de combien nos lectures informent sur notre identité, je me surprends à penser que c’est peut-être l’inverse : qu’il est des lectures qui pourraient servir d’identité, contenu dans lequel on se tiendrait tout entier, traversé de toute part : décrit. Cette idée me terrifie.

Devant moi, j’ai l’ordinateur ouvert sur une page qui s’écrit à mesure que je vois en moi le désastre se faire : à relire, état des lieux du réel en cours, je ne saisis pas encore la place manquante que l’inventaire révélera, forcément, mais je possède au moins cette certitude : repousser toujours l’abjection de l’identité.