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Jrnl | À ton visage perdu

[17•12•22]

samedi 17 décembre 2022


Seul ce qui s’ajuste, telle la clé à la serrure, se ressemble. La réciproque affinité nous façonne.
Le clou a, pour image, le trou. Malin miroir. Le trou, pour gage, le clou.
Ce qui est devant toi, te renvoie à ton image ; ce qui est derrière, à ton visage perdu.

Edmond Jabès, Le Parcours

Sûr comme une ombre, le jour qui tombe sur moi dès le matin — l’équinoxe est partout —, le soir fabrique de la nuit traversée de lumière pour qu’on mesure davantage le poids des noirceurs qui là-haut se font sur Marseilleveyre et au-delà (il n’y a pas d’au-delà) ; parfois, les avions traversent encore tout cela comme si c’était encore possible, le ciel, l’ailleurs, partir, tout ce qui s’échappe tandis que levant les yeux vers tout ce vide là-haut, on fait semblant d’attendre encore le tonnerre des dieux anciens pour prouver que le monde existe — la fin du monde seule le prouverait —, nous regardons ceux qui partent fabriquer sur nous de l’ombre qu’on ne saisit pas.

Toutes les peaux mortes, toutes, sont posées sur nous dans ce creux de l’Histoire : près des Réformés, on a jeté sur un bloc de ciment des silhouettes pour qu’on puisse voir le silence que ça fait, de regarder les silhouettes sur un bloc de ciment au pied d’une église aussi vide que le ciel et qui donne envie de hurler, ou de désirer, ou de partir.

Quand il fallait encore écrire la Bible, on pouvait au moins désespérer.