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Jrnl | Et le soir, et la nuit

[02•01•23]

lundi 2 janvier 2023


Le soleil s’est couché ce soir dans les nuées ;
Demain viendra l’orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l’aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s’enfuit !

Victor Hugo, Soleils Couchants (1831)

Le geste du joueur là-bas, face contre ciel, le bras puisant dans la force de gravité la pesanteur qu’il faut avant brutalement de déclencher ce mouvement de balancier, bras jeté changeant le poids en légèreté soudaine lancée vers des hauteurs que rien ne pourrait franchir hors son espoir qu’en tendant là-haut son poing il pourrait heurter la dernière lueur du dernier jour — et il le fait —, et ce qui s’échappe de lui est cela aussi, l’espérance vaine qu’au lointain son geste viendra heurter quelque chose, et dans le bruit sec, métallique, presque fatal, le sentiment de la victoire qui ne sera qu’un soulagement ; ou dans le silence, le goût amer de la défaite, encore.

Courir, une dernière fois, ce dernier jour, dans le soir coulissant sur la mer, le long des choses : nous ne sommes pas si nombreux, ces corps qui courent, qui ont chacun une raison de le faire, parfois inavouable, parfois secrète à soi-même, parfois par pur désespoir de soi et pour s’épuiser davantage, être au moins maître de cela : son épuisement, oui, ne pas le céder au monde : on se fait un signe de tête, on passe, on s’est reconnu.

Le lendemain aussi je courrai, premier janvier : rien n’a changé, le chiffre de l’année n’était donc que cela : un chiffre — aujourd’hui, je n’ai pas couru, rien n’a changé non plus, sauf que toute cette lumière éblouissante des crépuscules est devenue du passé que déjà j’oublie.


Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d’argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.



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