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Jrnl | Tout se joue en parties incertaines

[30•01•23]

lundi 30 janvier 2023


Au lieu de parier sur l’éternelle impossibilité de la révolution et sur le retour fasciste d’une machine de guerre en général, pourquoi ne pas penser qu’un nouveau type de révolution est en train de devenir possible, et que toutes sortes de machines mutantes, vivantes, mènent des guerres, se conjuguent, et tracent un plan de consistance qui mine le plan d’organisation du Monde et des Etats ? Car, encore une fois, le monde et ses États ne sont pas plus maîtres de leur plan, que les révolutionnaires ne sont condamnés à la déformation du leur. Tout se joue en parties incertaines, « face à face, dos à dos, dos à face… ». La question de I’avenir de la révolution est une mauvaise question, parce que, tant qu’on la pose, il y a autant de gens qui ne deviennent pas révolutionnaires, et qu’elle est précisément faite pour cela, empêcher la question du devenir-révolutionnaire des gens, à tout niveau, à chaque endroit.

Deleuze & Parnet, Dialogues

En regard : tout ce qui se dresse entre soi et au-delà, la possibilité d’autre chose que soi ; la chambre en désordre comme au-dedans, désordre du sang qui bat ou se répand, des images qui se répandent aussi dans un désordre plus grand et toujours en regard : comme ces immeubles de l’autre côté de la chambre d’hôtel, fenêtres vides, dedans qu’on imagine rangé comme sont tous les dedans des autres, il est trois heures du matin, il est toujours quelque part trois heures du matin dans une chambre d’hôtel par où quelqu’un observe l’immeuble voisin endormi et songe au désordre du sang au-dedans de lui qui bat, et le monde qui fait semblant de se retirer, prépare l’assaut suivant.

Cette fois, le rêve était suffisamment précis pour que j’en garde une sensation nette — d’urgence, d’humiliation et d’amertume —, et que j’en tire une leçon pour cette vie : comme si la nuit aussi, la nuit encore, je devais être mis face à mon ignorance, et pire que cela : mon ignorance coupable.

Dans la partie incertaine qui se joue, pas un seul pour douter pourtant que tout va s’écrouler, que rien ne peut durer en l’état, que l’effondrement est proche — tous jouent un rôle : les pouvoirs, pour garder la face ; les révolutionnaires pour ne pas la perdre : chacun, de part et d’autre, se lancent les paroles comme des textes mal appris, ou trop su et qu’on débite, comme ces acteurs si consternants pendant les répétitions, et qui attendent la représentation pour en découdre vraiment — en découdre d’abord avec eux-mêmes.