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le dernier jour de l’année : blasphèmes
lundi 21 juin 2010
This Bitter Earth / On The Nature Of Daylight (Dinah Washington ; Max Richter "Shutter Island, BO" 2009)
And if my life is like the dust
oh that hides the glow of a rose
Arracher avec les dents (les incisives, les plus taillées à la morsure), sur la peau de la nuque offerte la pulpe du dernier jour : de la dernière minute du dernier jour : non pas seulement de ce jour-là, mais avec lui, comme avec la première goutte de sang giclé coule tout le sang du corps en dehors, c’est tous les jours précédents qui viennent ici se terminer, aboucher à sa dernière lumière avant le repli, la retraite, le jusant bientôt à nu.
Vingt et un juin de lumière, de désir qui termine ce qu’il n’a jamais commencé : comme au plaisir ce corps dérobé dans son sommeil, corps qu’on laisse étendu de fatigue avant la violence crue des corps échangés, dans le drap de nuit tressé à la chaleur : vingt et un juin de lumière accumulée une minute après l’autre jusqu’à ce soir où elle prendra le plus de place possible : 05h57, 21h57 — 16h10 d’ensoleillement, et après. Le jour rétrécira jusqu’à laisser de moins en moins de temps à la lumière pour se faire : et jusqu’à rejoindre la nuit qu’on formera dans le cœur comme un rêve pour avoir à le conjurer.
Alors avant : sucer jusqu’à déglutir en soi les lambeaux de morts de l’année — mêler avec sa salive tous ces cadavres et ne pas oublier d’essuyer d’un revers de la manche la goutte perlée à la lèvre quand le ciel tombe ; et le regarder dans les yeux ; soif étanché sur son corps vidé, dévidé, exsangue du plaisir donné.
En soi, le désir de tous les sacrilèges pour la lumière : les blasphèmes lancés aux religions qui éventraient les corps aux jours de soleil noir — ce soir, un dernier regard au ciel : dans le lit défait comme mon visage, son corps éteint prêt au dernier sacrifice.