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le geste de Diogène (accepter)

vendredi 1er novembre 2013


« La seule vertu, sous les latitudes forestières, c’est l’acceptation. »

(Sylvain Tesson)


On raconte — c’est parce qu’on ne sait pas vraiment — que Diogène souvent s’arrêtait face à une statue à Athènes, et toute la journée immobile tendait la main : on lui disait : mais que fais-tu ; il répondait, avec sa voix que j’imagine terrible et douce : j’apprends le refus.

On raconte — et sans doute on invente — que Diogène ainsi retournait le regard des passants ; aujourd’hui, on croit Diogène s’exposer par avance au refus pour mieux ensuite le supporter dans la réalité : je ne sais pas ; je sais bien que Diogène ne faisait rien d’autre que d’accepter le refus de l’autre, et d’être celui-là, sous le ciel, qui disait : je suis face à toi, simplement, et je l’accepte.

On raconte — parce que la vie fait défaut à la vie — que Diogène est mort en 327 avant Jésus-Christ et qu’il reçut des funérailles sublimes, lui qui avait demandé qu’on jette son corps dans la fosse commune ; je pense au geste qui sans mesure accepte, qui reçoit ce qui ne peut se recevoir, comme du jour la nuit, et le froid extrême, la solitude, je pense aussi à ce qui s’accepte dans l’éloignement comme les signes de la solitude, comme les désirs, comme la pureté de soi, des rêves en partage, je pense à Diogène et à sa mort lente, jusqu’à aujourd’hui où il meurt encore, et je rêve aux vagues sur les plaines séchées des sommets où les moutons vont, et s’éloignent.

On raconte — puisqu’on ne sait faire que cela — que la statue ne répondait rien, ne faisait pas un geste : alors que je sais bien, moi, qu’elle pleurait, quand Diogène s’endormait d’épuisement.