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le soleil d’une vie différente

[Journal • 16.01.22]

dimanche 16 janvier 2022

Affamées et geignantes, les villes s’écartent,
et au-dessus de la poussière des avenues
se lève le soleil d’une vie différente.

Maïakovski, À pleine voix


Ô la lecture de Maiakovski, le soir, tard, dans l’épuisement, y cherchant des réponses à des questions non formulées et confondues avec le noir de la chambre, réalisant que c’est dans le quasi noir que je lisais, et prenant ce noir pour la lumière (et c’était le cas), traquant dans le noir les mots, déchiffrant, dans le mot à mot du poème Lénine une leçon impossible pour aujourd’hui, ne trouvant que de la beauté et devant faire avec, une fois le poème achevé — et ceci : l’amour n’est impossible et blessé qu’en raison de ce monde, que c’est là une raison de plus pour l’abolir —, ayant achevé la clarté autour de quoi se fait la nuit, et de nouveau craché dans la nuit, que faire, dormir peut-être, non.

Hier, le coucher de soleil sur la Major avait des allures de dernière chance, comme si le jour tentait de croire encore en lui, de jeter ses dernières forces dans la bataille, sûr que cette fois, ce sera la bonne : le jour durerait jusqu’au lendemain — il ne fait jamais autant jour que les soirs, en hiver, au moment où la nuit va se faire : et déjà ma nuit Maiakovskienne commençait, seulement je l’ignorais, je lui appartenais, j’étais ailleurs ; Marseille tombait et j’assistais à sa chute sans combattre.

Ce matin, plus encore que les autres, sortir de la nuit épuisée ; je lis que MH ne peut écrire que dans ces moments, au sortir des draps, avant la douche, quand le rêve mort encore sur soi ; au contraire : avant la douche brûlante et le café tiède, je ne suis capable de rien, seulement d’oublier le rêve et encore, j’y arrive parfois qu’au prix de grands efforts — ce n’est que lorsque tout est oublié, effacé, lavé, que quelque chose peut commencer et qu’il est possible d’arracher de soi tout ce qui ne peut pas se dire autrement que silencieusement sur l’écran qui affiche, péniblement, ces fragments de soi jetés comme on crie dans le noir pour mesurer, dans l’écho repris des parois, le gouffre qui sépare le corps du vide où il va.