arnaud maïsetti | carnets

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lorsque la lumière éclate

[26•09•22]

lundi 26 septembre 2022

Lorsque je serai mort / la défaite n’envahira-t-elle pas mes entrailles ?
Me voici, par peur de la mort / errant dans le désert
moi-même ne vais-je pas me coucher / pour ne plus jamais me lever ?
Ô laisse mes yeux contempler le soleil / ainsi je serai inondé de lumière.
L’obscurité se retire lorsque la lumière éclate / ô que celui qui est mort
Puisse voir l’éclat / du soleil !

L’épopée de Gilgamesh

Tandis que dansent dans l’air de midi les mots épuisés à peine nés de post-fascisme ou de néo-paganisme — ainsi sommes-nous condamnés à ne vivre qu’après, dans ce dedans mortel où on nous enferme —, l’homme à la radio lance dans un grand éclat de rire « c’est bien à cela que servent les mots : à mentir » (plus tard il dira que l’erreur de Mussolini aura été de n’être pas Franco : ou l’art de distinguer les bons des mauvais fascistes), je n’écoute qu’à peine, entre deux hoquets de l’ordinateur, j’apprends à jouer aux échecs ; à intervalles irréguliers, il s’arrête, reprend son souffle ou hésite, avant de repartir — j’imagine qu’il n’a pas trouvé de raisons suffisantes pour s’éteindre tout à fait et définitivement, et qu’il laisse le bénéfice du doute à la journée à venir —, et je reprends le train de l’existence en marche, poursuivant la quête des millénaires l’un après l’autre ou déchiffrant dans Heiner Müller le devenir de tout passé, ruines, boues, délires vraiment, et sur tout cela le ciel qui se lève pour mieux tomber.

C’est une vraie tempête demain, vient de me lâcher le type en déposant le café sur ma table, comme si tout avait un rapport, le café, la table, le maigre vent qui nous lie dans l’instant, la tempête qui se prépare ou qui est là déjà, qu’on n’arrêtera pas, qui passera sur le monde pour mieux être oubliée comme si elle n’était qu’un livre de plus posé sur les tables des libraires et dans la mémoire confuse des hommes, des enfants et de leurs cadavres intérieurs.

Il y a beaucoup de vers incompréhensible dans l’épopée de Gilgamesh, premier récit qu’on aura osé taillader dans la terre d’argile pour (on ne sait pas pourquoi), mais au milieu des éclats d’évidence, ces vers désarment davantage et semblent des questions adressées depuis la fin du IIIe millénaire à nous autres, vers lumineux et terribles qui restent sans réponse — comme, par exemple et au hasard :

Comment prévoir son destin si les rêves vous fuient ?