arnaud maïsetti | carnets

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mon état par défaut

mardi 4 juillet 2017

La lumière et la solitude.

Ici pour nous ouvrir les yeux
Seules les cendres bougent.

Eluard, L’Amour La poésie, "Comme une image" (V)


Roberto Cacciapaglia, Moscow River

Par défaut, on irait dans la ville comme des déracinés, et près de la terre comme des abandonnés ; on regarderait le ciel avec nostalgie et la mer sans tristesse : par défaut on serait seuls au milieu du nombre comme des arbres, comme des immeubles : mon état par défaut : la phrase, sa question, revenait dans le rêve, et toute la journée, elle aura jeté sur les heures des marques étranges, comme des blessures, des caresses.

Sur la machine, c’est simple : il suffit de quelques secondes, on remet tout par défaut, réglage usine, comme neuf - on efface tout, on recommencera bien quelque part. M’avait frappé cette remarque entendu en cours de philosophie, en khâgne : un visage est historique dès le premier instant. Par défaut, cela n’existe pas : on est toujours travaillé par le temps, engagé ailleurs, emporté.

Par défaut : le mot dit autre chose aussi ; une ville par défaut, c’est une ville à défaut d’une autre : une vie par défaut. Un choix, par défaut. C’est chaque jour qu’on travaille pour faire de chaque jour un choix, et davantage : une conquête. Par défaut, c’est une erreur.

Un monde par défaut : celui qui sur les bancs des assemblées s’applaudit, se valide : et que meurent sous ses applaudissements les autres mondes possibles. On habite ce monde par défaut au contraire de la vie acquise, arrachée, désirée. Dans le flux croisé des pensées issues du rêve, cette autre pensée encore : c’est par nos défauts qu’on est aimable, c’est eux qui nous font, par eux qu’on est singulier, et désirable.

Mon état par défaut : non pas à l’os, ou nu – mon être sans rien d’autre que moi, je l’ignore. Je retrouve dans l’ordinateur des images prises à la marche de samedi, et je voudrais y voir un portrait. Voilà, pour un temps fragile et provisoire : mon état par défaut.