arnaud maïsetti | carnets

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sur le fil, bras tendus

vendredi 25 décembre 2009

Franchir sans regard pour le vide qui se déplace à chaque pas sous le corps, un jour après l’autre, tendre les bras comme un funambule, mais c’est de marcher que je m’endors, alors je vais ; et un pas dans le vide retarde le vide encore : je n’ai pas peur.

Il fait grand ciel bleu aujourd’hui, et les nuages d’hier, où sont-ils ? Dans le rêve d’hier, c’étaient, sur de grands paysages, des nuages qui sortaient du sol et qui prenaient la place de la surface du monde. Je marche sur des reliefs transitoires, éphémères, brumeux — et je ris (de ce rire violent qui en même temps me glace), jusqu’à ce que je m’enfonce tellement dans le brouillard que je disparais avec mon rire : et c’est tout mon silence qui m’enveloppe avec le nuage.

Mais quand je me réveille, je n’ai plus peur parce que j’ai laissé toute cette peur, là-bas, et que je suis démuni d’elle, sans recours face au réel : je n’ai plus que le froid pour me souvenir de mon corps. J’ai si froid la nuit que je me serre contre moi, et je me réveille plié en deux, de douleur ou de froid : contre moi, le rêve n’a pas plus de substance que le froid ; lequel a le plus de prise sur la douleur ?

Un jour après l’autre : les bras plus tendus encore pour écarter les parois du vide comme j’avance sur le fil — dans le fleuve, tout à l’heure, je suis allé cracher pour voir s’il réagissait encore à ma présence, si je n’avait pas été avalé complètement par la fatigue. Dans le fleuve tout à l’heure, il y avait ces couleurs qui indiquaient une direction où aller et se perdre : je vais dans l’année qui me prend et cette fois, non, cette fois, je n’ai pas peur.