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voyez comme le feu se relève
[Journal • 17.07.22]
dimanche 17 juillet 2022
Je meurs de soif, j’étouffe, je ne puis crier. C’est l’enfer, l’éternelle peine ! Voyez comme le feu se relève ! Je brûle comme il faut. Va, démon !
A. Rimbaud, « Nuit de l’Enfer », Une Saison en enfer
J’apprends que le feu produit son propre vent : la phrase, dans la radio, me réveille en sursaut — j’imagine la nature d’un tel vent, comprend immédiatement pourquoi le feu ne peut pas être dompté, encore moins vaincu, qu’il s’agirait plutôt de lui donner les clés de ce monde et qu’on n’en parle plus —, et plus tard, la radio parmi l’immensité de phrases creuses qu’elle sait répandre plus souvent qu’à son tour lâche tranquillement : « le feu roule à la cime des arbres » ; c’est bien vrai que le poète n’est pas mort la jambe coupée en rêvant à Aden et qu’il vit parmi nous, lâche ses crachats dans la bouche du premier venu (ici, le maire de La Teste de Buche, Gironde, dévoré par une longue et raisonnée langue de flamme), et que, daignant nous visiter, il nous rappelle à son absence dans l’éclat vite effondré de la vérité.
D’ailleurs, une telle absence se manifeste plus souvent que sa présence : par exemple dans son propre monument, ici dressé au milieu de nulle part — littéralement et dans aucun sens —, abandonné au soleil parmi les herbes jaunies, cramées, désolées, à la lisière de travaux inutiles vouées aux jeux olympiques parisiens ; tout est vain, hors la solitude du nom déposé là comme on tâche d’oublier.
Dans la mer, les méduses reprennent possession du monde comme du feu : j’apprends qu’on apaise la piqûre de la méduse comme lorsqu’on se brûle — autant dire qu’on ne peut pas ; la méduse et l’incendie sont l’alliés de ces jours qui ont décidé de se jeter sur nous — et nous les regardons comme le feu regarde la cendre, dans la nostalgie de ce qui arrivera.