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2011 | création littéraire : projet

jeudi 27 janvier 2011


Suite à la proposition de la salle d’art Béton Salon, située dans les locaux de l’Université Paris 7 mais indépendante de la fac, le semestre de mon cours de création littéraire aura pour projet la réalisation de travaux destinés à entrer dans le cadre de l’exposition Eldoradio constituée autour de l’histoire de la radio.

L’idée : l’exposition sera construite en différents espaces donnés à des artistes, plasticiens, qui vont utiliser les archives de Eldoradio pour les traverser, les manipuler, les interroger. L’exposition (qui aura lieu au mois de mai), sera jalonnée de manifestation autour des radios — il y a aura ainsi des colloques, des conférences. Et une place est accordée à des étudiants de l’Université, ceux qui sont inscrits en cours de création littéraire (Licence 3, Lettres et Arts) pour investir cet espace, le construire surtout dans l’espace de la voix.

Le rôle de ce cours ? — pas question de faire du documentaire, des recherches sur les radios libres — il ne s’agira pas de faire de la radio, mais de se saisir de ce que les radios (notamment pirates (77-81) puis libres (81-84)) ont expérimenté : des situations de prises de parole, littéralement.

Mais qu’est-ce que veut dire cette expression, prendre la parole ? — à qui la prendre, pour quoi ? Pour la donner ensuite à qui d’autre qui s’en saisira ?

Prise de parole qui interroge profondément l’acte même de la littérature. Car dans est présent dans la forme radio, la question de la voix, qui excède et transcende la nature propre du média, et qui pourrait figurer comme une origine (mythique) et une fin (impossible) de la littérature.

Les cours et les textes seront écrits dans cette perspective : en traversant tous les genres (poésie, récit, théâtre, essai…) en cherchant à chaque fois à inventer, à trouver une forme radiophonique spécifique de prise de parole.

On ne s’interdira pas, au contraire, de trouver des exemples et des incitations dans des textes qui n’ont a priori rien à voir avec le média radio : Lautréamont, Rimbaud, D’Aubigné, Shakespeare, Blanchot… Ce qui importe, c’est de voir comment toute une littérature s’est construite sur cette inquiétude de la voix, qu’elle en est traversée comme d’une exigence esthétique et plus profondément ontologique.

On prendra appui aussi, évidemment, sur des textes et des auteurs plus directement confrontés à l’écriture radio pour en chercher la spécificité, quand bien même l’exigence de ces auteurs répond aussi à celle de détourner l’usage habituel (informatif) du média : qu’on pense à Orson Wells (La Guerre des Mondes), Antonin Artaud (Pour en finir avec le jugement de Dieu), ou, dans le théâtre, Koltès et Beckett (mais différemment…).

On s’appuiera enfin sur la création contemporaine, via les créations radiophoniques de France Culture, espace d’écriture radio de grande incitation.

Mais il s’agira surtout d’essayer de trouver pour chacun des réponses à ces questions (ou bien : des formulations différentes à ces questions)

— Qu’est-ce qu’une voix dans l’écriture ?
— Comment ça parle ?
— Qu’est-ce qui parle ?
— Par où on parle quand on écrit ?

Et puis, il y a l’autre versant, important, de ce semestre : le versant de la lecture (car l’enjeu de ce texte est aussi celui d’une mise en voix de ces écritures), et ces autres questions :

— Comment lit-on un texte ?
— Son texte ?
— Qu’est-ce qui lit quand on lit ?
— Qu’est-ce qui parle dans la lecture ?
— Qu’est-ce qui traverse, quel passé du geste d’écrire, pour quelle présence à soi de son corps et de sa voix dans une réactualisation, ou une reprise de parole ?

Car dans le cadre de l’exposition, il y aura ainsi (modalités en cours…) des soirées de lecture où les étudiants auront la tâche de lire et d’enregistrer leurs fictions radios écrites tout au long du semestre, en marge des séances d’écriture. Lecture dont on réfléchit encore au dispositif, et si ce n’est à une mise en scène, du moins, à une mise en voix capable de donner relief et portée à ces lectures (réflexion en cours avec le cinéaste Jérémie Scheidler.)

Ne suis ni acteur, ni metteur en scène : on ne travaillera pas le jeu de la lecture, mais avec plus de simplicité, et aussi plus d’authenticité et de violence, s’agira de se confronter directement à ce geste d’endosser la lecture de son propre texte, d’en affronter le corps de ses propres mots pour mieux les porter, les affronter au monde nommé.

Pour cela, on n’aura pas trop de douze séance de trois heures — projet en ligne ici, et à suivre sur le site collectif ouvrez.fr.