Le sommet, ils ont vécu au pied pendant des millénaires, mais ils n'en avaient jamais eu l'idée, non, de grimper là-haut, pourquoi ? Pendant des millénaires, les hommes au pied de la montagne, trop sacrée peut-être pour qu'on y fasse l'ascension, ou...

May 31 -

Le sommet, ils ont vécu au pied pendant des millénaires, mais ils n'en avaient jamais eu l'idée, non, de grimper là-haut, pourquoi ? Pendant des millénaires, les hommes au pied de la montagne, trop sacrée peut-être pour qu'on y fasse l'ascension, ou trop banale, trop là depuis toujours comme le ciel ou les mulets, oui, vraiment pourquoi ? Mais quand on y est allé, nous, là-bas, les anglais (mais c'est pareil, c'est nous), tout de suite l'idée, immédiatement : il faut qu'on aille là-haut. C'était il y a soixante ans, on est allé là-haut. Julien Gracq en parle bien, du rapport faustien qu'entretiennent les européens, les occidentaux, avec l'au-delà, le haut, le bas, le lointain. Tout de suite devant la limite, on se dit : la franchir. Mais il y a tant d'autres peuples pour qui ne pas accéder aux limites du monde ne relève pas d'une impuissance technique, juste : l'idée, on ne l'a pas. Quand Edmund Hilary, pas encore Sir, est descendu, qu'il était au bas de la montagne qu'il avait marquée de son pied, qu'est-ce qu'il s'est dit ? Je suis en bas de nouveau, ou j'ai été en haut ? Soixante plus tard, la neige souillée et pas à cause de la fonte, qu'est-ce qu'il en reste ? Et du ciel qu'on a touché ? Et de la vue, là-haut, sur nous, qu'est-ce qu'il reste, soixante plus tard ? Dans trente ans, j'aurai soixante ans, quels everests ?

Image de Sir Edmund Hilary et de ses compagnons, sur le mont Éverest, en 1953, durant leur première ascension.

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