Nom de Pays | Vatan

Nous partons : nous ne savons faire que cela, et, cela, nous ne pouvons pas le faire. Dès qu’on s’en va, on arrive quelque part ; la fatalité est sans recours possible. Nous partons pourtant, nous nous éloignons, cherchant un abri qui serait un accueil, un refuge qui pourrait être une demeure — et non : l’accueil est l’hostilité de ceux qui sont ici et se pensent le contraire de là-bas.

Partout nous ne serons que des étrangers.

On nous demandera des papiers où s’écrira la preuve que nous ne pouvons pas être d’ici : et de partir ; voilà ce qu’on nous demandera. On nous dira : pars.

L’hospitalité était le don sacré qu’on devait aux dieux et à chacun en tant qu’il pouvait être l’envoyé d’un dieu ou sa présence réelle. L’hôte n’était pas distinct de l’hôte : celui qui accueillait était accueilli par l’autre, qui partageait le pain comme on scelle sous les dieux le sacrifice de toute leur église.

Désormais, on ne nous dira plus que pars. Qu’on vienne de l’autre bout du monde ou du village voisin. Pars, et ne reviens jamais.

Je ne suis jamais allé jusque dans la champagne berrichonne que je n’ai traversée que ce soir, en image, à l’écart du monde. Trouverai-je là le repos, la couche, la grotte primordiale où enfin dormir, la terre consacrée ? Non.

C’est là le centre du monde puisqu’en lui se dit la vérité de notre temps : tous ceux qui passent ici la reçoivent au visage, la vérité se prononce sur les lèvres de ceux qui cherchant à nommer l’endroit où ils arrivent, disent aussi l’insulte qu’on leur adresse.

Si tu arrives ici, va-t’en.

Va-t’en.

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