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Rimbaud | Au mois de mai, « Si un rayon me blesse »

Mai, et mourir sur la mousse

mardi 30 avril 2013


Par où reprendre ? Ici, peut-être : oui, ici. Replonger dans ce chantier Rimbaud, laissé de côté depuis septembre – cette vie imaginaire autour de laquelle j’accumule notes et notes. Bientôt mai, c’est le mois où il faut. Alors, je relis, je relis et relis encore cet après-midi ces textes avec l’idée précise qui en émerge, cet après-midi seul dans ce café vide. Je voudrais trouver celui qui me fera recommencer.

Je trouve.

C’est quelques vers qu’il me fallait, pour faire levier : je les trouve ici. Les recopie à la main : ces vers nouveaux, qui traverse dans le ciel noir de Paris quelque chose comme un appel (à succomber sur la mousse). L’été arrive, l’été arrivera c’est fatal.

j’ai seul la clé, mais j’ai besoin de laisser la porte un peu fermée, encore, pour m’y engouffrer, et m’y plonger.

Sur le dos de la feuille volante où Rimb. avait écrit ce poème, en mai 1872, il avait griffonné ces vers de Marceline Desbordes-Valmore : "Prends-y garde, ô ma vie absente !"


Bannières de mai

Aux branches claires des tilleuls
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent parmi les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s’enchevêtrer les vignes.
Le ciel est joli comme un ange
L’azur et l’onde communient.
Je sors. Si un rayon me blesse
Je succomberai sur la mousse.

Qu’on patiente et qu’on s’ennuie
C’est trop simple. Fi de mes peines.
Je veux que l’été dramatique
Me lie à son char de fortune.
Que par toi beaucoup, ô Nature,

— Ah moins seul et moins nul ! — je meure.
Au lieu que les Bergers, c’est drôle,
Meurent à peu près par le monde.

Je veux bien que les saisons m’usent.
À toi, Nature, je me rends ;
Et ma faim et toute ma soif.
Et, s’il te plaît, nourris, abreuve.
Rien de rien ne m’illusionne ;
C’est rire aux parents, qu’au soleil,
Mais moi je ne veux rire à rien ;
Et libre soit cette infortune.