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l’éclair sans tonnerre (ou l’attente sous la Mosquée)

samedi 3 août 2013



Silence sur soi, silence aux autres – ces jours passent sans rien dire, il faudrait alors leur parler, ou parler en eux, je ne sais pas. Après-midi à la Mosquée dans les conversations vaines des touristes, et le courant d’air – le soir je lève les yeux, c’est le soir. Intérieurement, j’aurais été un peu plus loin que ma propre vie, moins loin que Playa Larga, c’est ainsi.

Est-ce qu’il a plu dans la Drôme la poussière rouge d’Afrique ? et sur les Caraïbes, la forme des éclairs ?

Hier, l’orage une fois ou deux, mais sec, et sans tonnerre – juste des éclairs dans la rue, loin, trop loin. Se recoucher en se disant que ça ne durera pas, la nuit noire et sans vent. Au matin, tout était toujours là évidemment.

Entendu à la télévision : le deuxième plus grand commerce du monde (quatre cent milliards de dollars) est le trafic de drogue. Derrière le trafic d’armes. Acheter et vendre, ce qu’on sait faire de mieux : et on a le sens des raffinements.

Eu cette pensée dans la colère et la fatigue, cet après-midi, penché sur ma page, sur telle réplique qui m’échappait : il faudrait écrire contre ceux qui vont au théâtre, et ceux qui ne vont pas au théâtre vivent partout contre ceux qui écrivent pour le théâtre. J’ai reposé cette pensée lentement, avec tendresse, sur cette place où trois vieilles très vieilles femmes, assises, face à la Mosquée, en foulard, parlaient une langue sublime en riant, comme si elle était facile à parler.

Le temps passé de la même façon chaque jour dure plus longtemps, la preuve je suis encore là.

C’est à force de silence que les mots viennent, je le sais bien (et dans le sommeil aussi), et le manque aussi. Je traduis les pages de William Blake pour la simplicité radicale des vers et je vois bien que je n’y arrive pas. Je continue. J’enregistre chaque jour une réplique du Client, dans l’ordre, pour le rythme et la douceur, une seule prise, je n’écoute pas. Je lis cinquante pages par jour (Arenas, et cette lourde et scolaire biographie de Rimb.) J’apprends à attendre.

Il ne pleut pas, cela tient lieu d’horloge, et de ciel.