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par le train, du soir descend

samedi 23 novembre 2013

Jamais pu me défaire de ce geste : les couchers de soleil dans la vitesse. Le trajet Bordeaux - Paris, je regardais avant pour savoir l’heure, et je me tenais prêt, même si je savais que toujours un talus se dresserait au moment où. La ligne Aix - Paris, je la connais moins, et ce soir-là, la lumière m’a fauché sans que je m’y attende. C’est quelques secondes, entre 16h27 et 16h28, après Lyon (j’ai vu la neige). Toujours cette fascination qui date sans doute du premier coucher de soleil jamais vu par un homme : la splendeur des fins, quelque chose qui ne pourrait jamais renaître, alors on jette tout ce qu’il reste de lumière et que le jour n’a pas eu le temps de répandre, en quelques secondes, tout. La sensation qu’il ne restera plus rien le lendemain, que c’est le dernier jour. Elle viendrait de là, peut-être, l’impression que c’est dans la fin que la beauté seule est possible. La mélancolie des soleils couchants [1]. Cette nudité du temps, l’épars, et sur mes images, aucune volonté de rétention, ou de recherche de la preuve ; celles auxquelles je suis le plus attaché sont les plus abstraites, cette formes sans figure quand les arbres dans la vitesse interceptent le jour, font lever la nuit déjà en ombres chinoises. Dans La Mancha, sur les phonogrammes de Jérémy Liron, j’avais dit ces pensées de la vitesse — il aurait fallu peut-être nommer davantage non pas la mélancolie, mais le sentiment de présence que la fin appelle, étrangement, en moi, quand je passe auprès d’elle.



[1Et d’étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants sur les grèves,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
A des grands soleils
Couchants sur les grèves
Verlaine