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P. Walsh | son nom, quelque part

mercredi 7 octobre 2009



Mr. Somewhere, ’The Apartments’, ("The Evening Visits... And Stays For Years"), 1985


Un endroit où personne ne pourrait poser les pieds sans, l’instant d’après, tomber ; une chanson qu’on n’écoute pas sans avoir besoin de la reprendre, immédiatement après, recommencer au début là où elle a fini, en nous.

Un endroit comme une pièce sombre où peu à peu on s’habitue : moins au noir qu’au volume que le noir dessine et que l’imagination trace à mesure que le temps rend plus profond la noirceur intérieure. On ferme les yeux, on est là où on devrait être, et ailleurs nous manque tant.

La chanson parle de cela et d’autres choses, elle a suffisamment de douleur, de puissance, pour s’étendre simplement sur la longueur, longtemps après l’écoute.

Mais ce manque : la colère de n’être pas ailleurs, la douceur qui s’impose ensuite, qui établit le monde là où on est ; la ville, quand elle est loin, (ou plutôt : quand on est loin d’elle), et qu’elle prend la forme de son propre rêve : le manque qui permet qu’on lui résiste, permet qu’on désire plus fort ensuite le bruit confus des villes.

Un arbre, tout en haut, qui a poussé en dépit du bon sens, contre le vent, comme en défi aux pierres, au froid, à l’abandon. On n’installe pas nos villes autrement, et nos corps au milieu de la ville.

On décrit un cercle autour de notre corps, qu’il fasse le tour de la montagne, de la ville, ou de soi, c’est le territoire de notre propre douleur, celle qu’on emporte, derrière chaque pas — qui nous devance parfois. Le manque possède son espace comme une armée.

On crie de joie quand on conjure la douleur, et c’est une lutte qui vaut toute une vie : cette joie-là agrandit simplement le cercle autour de soi ; l’arbre en haut continue de pousser.

La pièce noire dans laquelle on est entré est plus noire encore quand on ouvre les yeux ; on s’attend à chaque instant à heurter un mur ; c’est simplement, seconde après seconde, le temps qui bat contre soi. On continue.

Quelque part ; l’endroit où on est, dans la ville, contient (où je pose le pas) la totalité des endroits que j’ai traversée : le monde s’accroît sous le désir, c’est la marche de l’histoire. Le vent souffle, plie l’arbre qui reste là longtemps après le vent : qui aura pris la forme du vent, voilà tout.

Du désir des autres endroits, je ne dirai plus rien : histoire de manque, comme toujours, lui qui fait poser le pas suivant sur le trottoir, un peu plus loin.

Face au vent, il y aura toujours un arbre planté plus haut que la dernière pierre, une voix qui fredonnera des phrases sans mot, coda.

Du manque, je dirai finalement une chose : qu’il est sans mesure — on l’imagine, on le creuse dans le noir de la pièce qui devient, sous nos yeux cousus par le noir, un château plus profond que la conscience : et pourtant, on est encore loin de la réalité.

On tend les mains en avant, on palpe le noir et on pose un pas de plus dans la pièce qui s’allonge ; c’est devant nous.


Day comes up sicker than a cat 

Something’s wrong that is that
Mr. Somewhere missing somewhere never did figure just how much
A boat from the river takes you out 

’Cross the other side of town, to get out, to get out 

You take the tide, any tide, any tide 

like there isn’t gonna be any tide

Mr. Somewhere missing somewhere never did figure just how much
Missing somewhere never did figure just how much
A world like tomorrow wears things out 

It’s hard enough to get what’s yours for now 

And the hardest words are spoken softly 

Softly look, no hands upon
Mr. Somewhere missing somewhere never did figure just how much 

Missing somewhere never did figure just how much
Now the milkman beats you to the door 

That was once a home, home no more 

Mr. Somewhere, missing somewhere couldn’t get the calendar to stop 

Missing somewhere, never did figure just how much 

Missing somewhere, never will admit just how much

Peter Walsh, pour The Apartments