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Rosmonda d’Inghilterra

lundi 2 juin 2014

On raconte qu’elle ignorait que l’homme était marié — qu’elle ignorait que l’homme l’était à une reine, puisqu’il était Roi. On raconte que c’est son père qui lui apprit cela, la nature du corps aimé, et puisqu’il était corps glorieux du Roi et corps désiré du corps lui-même à qui elle s’était vouée, dans l’ignorance qu’il fût le corps de tous, et le corps d’une Autre, reine des hommes aussi bien d’elle ; qu’elle resta sans réponse, mais peut-être pas sans larme. On dit que le Roi qui apprit d’elle ce qu’elle avait appris (qu’il était Roi et époux) lui promit de l’épouser, elle, et d’en faire sa Reine, elle seule.

On sait bien qu’il n’en fit rien.

On dit que la Reine, la véritable et première, l’apprit aussi, et la chassa du château, du royaume, de tout enfin, puisqu’elle envoya deux hommes pour la tuer et qu’au moins un d’entre eux y parvient, puisqu’elle mourut en chemin.

On raconte tant de choses.

On dit qu’elle s’appelait Rosemonde et c’est déjà un poème, la belle, dans son pays, fair Rosamund, et dans l’opéra qui la chante : Rosmonda d’Inghilterra, puisque c’est son pays, et qu’il faut bien le chanter d’une langue qui soit la plus étrangère.

On ne dit pas, cependant, ce qu’elle regardait par la fenêtre, à l’aube ; on ne raconte jamais son regard et ce qui passait devant ses yeux pour traverser le pont, ce qui au loin s’éloignait.


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