arnaud maïsetti | carnets

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soifs

dimanche 6 août 2006


Les voix se sont arrêtées dehors mais c’est une feinte. En moi plus fortes – trente cinq fois plus fortes. Et sourdes aux menaces. Et muettes quand on les interroge. Seulement des cris qu’on ne distingue plus de la rumeur. Vaste et plane. Longue rumeur en fer blanc. La rumeur du monde incessante – interminable. Epuisant chaque centimètre carré de ma peau et de mon esprit. Pourtant dehors dans la rue il pleut bien trop fort et noir pour qu’on s’appesantisse dans le hasard des rencontres. On est rentré. Les trottoirs claquent seuls dans l’inutile des ombres. Une goutte après l’autre. La rumeur n’a que faire de son anonymat. Depuis des milliers de siècles elle a pris son élan et aujourd’hui on ne la distingue plus des cris qui pourraient être son écho diffracté sur nos vies, ou son ombre la précédant – sa cape en velours noir. Je ne sais rien d’elle que son poids avachi sur moi comme une armure. On voudrait se croire protéger mais on étouffe et à petit feu l’air se vide et s’en va – et crispé dans nos poings l’air devient de minuscules gouttes de sueur qui font les fleuves et les mers de ce monde. Dans le fleuve la nuit vient épancher sa soif de matins à engloutir. Et le poids dont elle se leste vient se poser sur nos poumons encore et encore.