arnaud maïsetti | carnets

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nocturne # 1

vendredi 18 juillet 2008


J’ouvre les yeux, soudain. Je ne sens rien. Je touche ma paupière, l’autre. Comme si en ouvrant les yeux, j’avais arraché des fils cousus à mes cils. Je dessine avec le bout de mes doigts la trace de la douleur. Je poursuis son chemin le long du crâne jusqu’aux tempes, battues jusqu’à l’affolement. Je ne sais pas où je suis ; peut-être dans un immeuble. Il fait nuit. Ou peut-être plein jour. Comment savoir : aux murs, les fenêtres closes derrières des volets lourds de cette pièce (pièce vide, vide jusqu’à l’étouffement) ne laissent rien passer. Je me lève - je ne regarde pas je me lève je ne peux pas fermer les yeux sans marcher je me lève - et m’en vais. Je passe une porte. Puis une autre, une autre encore : des dizaines et derrière chacune, des couloirs comme un hôtel, un paquebot de cent étages ; je descends des escaliers, m’engouffrent dans les couloirs, les étages infinis : et partout les fenêtres murées, le silence traversé de piétinements confus, au loin, plus bas, ou plus haut ; je vais et mes yeux continuent de s’ouvrir peu à peu, de s’habituer à la douleur qui m’arrache du sang, et me couvre la vue - la douleur s’en va, je continue ; les couloirs ne cessent pas - les piétinements au loin se font plus nets.