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cendres du soleil

lundi 7 janvier 2019


Et je sais que l’amour, qui ne compte plus à ce point que sur lui-même, ne se reprend pas, et que mon amour pour toi renaît des cendres du soleil. Aussi, chaque fois qu’une association d’idée traîtreusement te ramène en ce point où, pour toi, toute espérance un jour s’est reniée, et du plus haut que tu te tiennes alors, menace de te précipiter à nouveau dans le gouffre.

André Breton, Arcane 17 (1944)


Flavien Berger
Contre-Temps



Puisqu’on a enterré les dieux et les hommes qui les ont enterrés, il ne resterait plus que des signes auxquels croire comme à la terre jetée sur les dieux, et dans leur bouche désormais, ou comme à un grand ciel vide à travers lequel passent des oiseaux migrateurs pour chercher le lieu (et la formule) où cesser de migrer, et faire ici la terre provisoire de leur soif.

C’est la leçon de ces jours, les signes qu’on reçoit, il ne s’agit même pas d’y croire ou de les voir, seulement de les accepter, et d’en faire une autre peau sur les peaux mortes qui sont nos corps.

Des signes, donc : ceux qu’on trouve et qu’on ramasse, ceux qu’on lit sur les murs, ceux qu’on devine dans le destin qui n’existe plus, ceux qu’on apprend à reconnaître comme le visage d’un mort, ceux qu’on espère et qu’on n’attend plus, ceux qui arrivent, ceux qui sont là, et là, et là aussi, ceux qui s’embrassent comme des enfants dans un bus, ceux qui s’éteignent, ceux qui tombent dans la mer pour rien, ceux qui portent en eux la blessure, et ceux qui la délivrent.

C’est une carte qui ne porte aucun nom de ville, pas de direction : une carte à jouer qu’on retourne et qui révèle ce qu’on savait déjà : un trois de trèfle.

La mer qui mord comme sur la peau des choses le désir est une autre leçon : il faut épouser son mouvement.

J’épouse son mouvement.

Que restait-il à vivre ? (C’était la question). Il n’y avait peut-être pas d’autres réponses que le jour où comme des ponts enjambent l’année, un fils suivait l’autre.

Des signes par milliers depuis.

De l’autre côté de ce monde, d’autres vies que la mienne, qui sont aussi la mienne.

« Pour moi la seule évidence au monde est commandée par le rapport spontané, extra-lucide, insolent qui s’établit, dans certaines conditions, entre telle chose et telle autre, que le sens commun retiendrait de confronter. » [1]


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[1A.B.