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La ville écrite | Das Kapital

Renoncer aux illusions

samedi 19 janvier 2019

Exiger qu’il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c’est exiger qu’il soit renoncé à une situation qui a besoin d’illusions.

Karl Marx


Vingt ans d’une vie consacrée à la rédaction de millions de mots, plusieurs volumes d’une œuvre considérable – tirée à mille exemplaires qui mirent cinq ans à être écoulés –, des phrases ciselées dans la pierre d’un monde abject, des parties et des chapitres enchaînés comme autant d’assauts, des feuilles noircies jusqu’à la misère dans une bibliothèque mal éclairée de Londres — jusqu’à ce qu’un homme, une femme (c’est une femme) jette au milieu des ratures et des mots illisibles sur un mur de Marseille le titre seul.

Une œuvre réduite à son titre ? Ou une pensée arrachée à son époque et qui prend corps dans un seul mot qui tient à lui seul de l’analyse et de l’action, des colères et des espoirs, des rages et des forces. Un mot qui n’a besoin que de lui seul pour voir s’engouffrer en lui les affects et la rationalité vengeresse. Un mot qu’il suffirait d’écrire sur la porte fermée d’un garage en ruine pour tout à la fois insulter et soulever à soi, et soulever pour tous, les puissances dévastatrices, ravageuses et joyeuses d’un monde qui serait enfin possible si on le renversait.