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au solstice dans le ciel

[Journal • 22.12.21]

mercredi 22 décembre 2021

La nostalgie est une structure du temps humain
qui fait songer au solstice dans le ciel.

Pascal Quignard, Abîmes


Au jour du solstice, la terre toujours recommençante laisse une part d’elle dans sa course ; hier soir, relire le début du premier livre lu cette année (l’inouï L’Empire et l’Absence de Léo Strintz), et cette phrase (mais je l’ai déjà oublié, et la reconstruit) : la force de la mer est dans la marée, la force de la ville est dans son travelling ; il faut, plus qu’à n’importe quel moment résister à la tentation du bilan, et aller, de la force de la marée qui va en prenant appui sur elle-même pour aller, là-bas, dévorer toutes les Amériques depuis Honfleur sans savoir qu’elle sera elle-même dévorée dès l’embouchure du Saint-Laurent, et recommencer.

Au jour précis où le jour se replie sur lui-même, où la nuit l’emporte et devient le contretemps majeur, on se tient, là dessous, dans la solitude évidemment, comme la cendre se souvient du feu et espère du vent – et le vent, à cette seule pensée, vient et souffle, et dans le froid, redevient ce qu’il est, ce qu’on ignore, ce qui seul donne la direction.

La couleur du ciel, l’hiver, est plus terrible que l’été, car moins sûre d’elle-même, plus diffuse comme sont nos colères ces jours-là contre l’année passée, contre ce qui n’a pas eu lieu : c’est au nom de ces colères qu’on vient puiser les forces ; comme autrefois auprès des grands lacs les histoires échangées le soir pour passer le temps, faire ce grand troc des puissances afin que le temps passe, que les rêves se nomment eux-mêmes oracles, et que l’oracle se dise dans les termes du rêve pour terrasser la réalité : et que la réalité expire entre nos mains sous le ciel noir comme l’est la page blanche où rien ne demeure et où tout est à venir.