arnaud maïsetti | carnets

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offres et demandes

lundi 19 avril 2010

Sur les côtés des portes, aux façades, je regarde toujours les plaques d’or qui annoncent, sans qu’on le demande, les compétences et les offres. Je n’ai jamais l’appareil photo au bon moment et enrage par exemple alors que je suis désarmé et que je vois cette affiche sur la façade du presbytère : "cours de gestuelle de la parole divine".

Quand je reviens avec l’appareil, je fais le tour de la place mais ne trouve plus la porte, bien sûr.

Alors, comme à mon habitude, je vais chasser le soleil et le trouve réfugié derrière le portail ouest (sur ces pierres, on avait d’autres manières d’écrire les offres des enfers et les demandes de paradis) : je le suis jusqu’à me retrouver au bord de la nef, devant des jeux d’enfant — square aménagé avec sol souple pour amortir les chutes ; balançoires aux couloirs vives. Je devine que devait sans doute se tenir là, il y a quelques siècles, le cimetière avec ses cyprès et ses croix tordues chevauchées sans harmonie. Au milieu des cris d’enfants, je me dis que c’est dans l’ordre des choses.

Je me laisse entraîner dans une ruelle où va tomber le soleil, et lis les plaques des médecins, des avocats : c’est une ville de médecins et d’avocats. Devant moi, une longue liste à la Rabelais : je comprends parfaitement qu’après avoir consulté le médecin, on aille voir l’avocat, mais cherche alors sans les trouver la plaque du fou et celle du muet. Enfin, Rabelais, en passant dans cette rue, aurait sans aucun doute pu ajouter un chapitre au Tiers Livre : dans l’angle, une maison plus basse qu’une autre affiche : "Réflexologue".

Le soleil est tombé encore une fois bien trop loin pour moi, qui doit rentrer.

Ainsi, dans la ville moins nette, j’invente à chaque porte une nouvelle profession pour un désir toujours moins bien formulé, et toujours plus brûlant d’être ignoré.