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Jérémy Liron | Le réel est un cadre qui déborde sans cesse

mardi 15 décembre 2009


Texte écrit pour la Revue Semaine vol1, numéro 49.09 consacré à l’exposition "Lyon/Béthune" de Jérémie Liron | Centre d’Art Lab-Labanque, Béthune (octobre 2009 - janvier 2010)

Qu’est ce qui précède la toile : le regard de l’artiste ou le mouvement du monde vers lui ? Qu’est ce qui de l’image ou du peintre rejoint l’autre ? À l’invitation du Lab-Labanque de Béthune, Jérémy Liron expose la suite de son projet Landscape(s) au premier étage des appartements de l’ancienne Banque de France.

Mais au lieu de poursuivre la série entamée, le peintre a répondu à l’appel du Centre d’Art visuel de Bethune en déplaçant la question de ces toiles vers ce qui les produit et les happe. Jérémy Liron vit et travaille à Lyon ; pour rejoindre Béthune où installer les tableaux, c’est près de 700 km de train. Alors, du défilement du réel au dehors et de ce mouvement vers le lieu de l’exposition, le peintre s’en empare pour en faire précisément le matériau du projet.

Inscrire dans le travail ce qui l’appelle, faire des conditions même d’énonciation de la langue le support de son énoncé : et la condition du tableau, en faire à la fois sa cause et sa question. Qu’on longe le monde, à la surface de la fenêtre du train, et ce qui défile en soi est plus que le paysage réel, mais le réel en paysage passant, fuyant (quand c’est nous-même qui passons, fuyons).

Photographies et notes de la traversée nourrissent le travail et c’est naturellement qu’on les retrouve dans l’exposition (avec des extraits de journal et du blog du plasticien) moins pour l’illustrer que pour retourner la question : si le monde avait précédé les tableaux, son écriture leur fait face en retour et dialogue avec eux.

Généalogies multiples du tableau : origine et fin du regard qui travaille le réel depuis la question qu’on lui adresse en chemin, et dont l’adresse devient le geste même du peintre, qui écrit : « Qu’est-ce qu’on emporte de soi à regarder la route ? Et qu’est-ce qu’on y laisse ? Le réel est un cadre qui déborde sans cesse ».

Le catalogue qui accompagne l’exposition, rédigé par Armand Dupuy, dresse avec précision les territoires de ce travail où le paysage habite dans une façade qu’inlassablement le peintre interroge. La route qu’emprunte l’artiste pour aller vers la toile est celle qui traverse le monde — cette expérience littérale fonde la démarche, et questionne profondément le sens de ce geste : dévisager le réel.