arnaud maïsetti | carnets

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éperdument

mercredi 14 septembre 2011


le rêve de demain est une joie, disais-tu dans ton souffle perdu, mais la joie de demain en est une autre, ajoutais-tu dans le souffle suivant, et au mouvement de tes cheveux, j’ai deviné la suite, qui disait avec toi : rien heureusement ne ressemble au rêve qu’on s’en était fait ; car c’est différemment que vaut chaque chose — oui, alors il n’y aurait qu’à oublier, chaque jour, le jour suivant, pour n’accepter que le présent simplement parce qu’on l’aurait attendu comme la fin du monde, puisque la fin du monde entier des choses t’aurait conduit jusqu’à moi :

fabriquer de l’oubli et bâtir des ponts entre nos deux corps [1] : c’est à cela que servent les rêves, je crois, fabriquer de l’oubli, mais ce n’est pas cela que je cherche : ce qu’il faudrait, c’est oublier aussi le lendemain, évidemment : n’être qu’au lieu où l’on se tient, sans cesse, comme le jour est contemporain de sa position dans le ciel, et sa folie ; demeurer aux mêmes endroits (mais en silence, juste : oui),

c’est épouser le long, lent, éperdu mouvement des astres qui s’abat sur nous à chaque instant : oui, vraiment : comment vivre en dehors de cette fabrique de l’oubli qui me rend si présent à cette justesse et à toi : c’est pourquoi le rêve de demain est aussi une douleur, dans sa joie même — et l’absence, une simple vacance de temps, qui demande : où se situer dans l’équilibre éperdument rompu de soi (ô, comme ce mot éperdument impose une voix oui qui le rend désirable) : pourquoi cette question - il y aura d’autres manières d’oublier ces jours, de se rendre présent demain.


[1l’oubli est une tâche qui s’invente chaque jour : une tâche noble qu’il faut construire