arnaud maïsetti | carnets

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l’art de dormir

mardi 18 octobre 2011


Dormir est un art impossible. Aussi ancien qu’impossible. Moi, j’y ai renoncé. Depuis longtemps, et chaque soir davantage. Hier, par exemple. Toute la nuit, impossible à trouver, le sommeil. Quelque part pourtant, oui, ici ou là. Sous le bras, le corps, le désir entier de lui céder. Mais la fuite du sommeil en moi, je l’ai ressentie aussi, un peu comme le sang tombe, comme tout ce qui tombe quand la fatigue fauche et que le premier mouvement la trahit. Finalement, au bout de ces peurs qui irriguent tout, ai laissé le corps ainsi allongé sur lui-même, comme si. Alors, quand on a cessé d’y penser, la pensée cesse elle aussi, et le reste, se retrouver dans un état d’extrême secousse, immobile, plein de silence que l’on n’entend même plus, et les images de carnage dans le crâne fabriquées pour mieux les oublier. Se retrouver, vraiment ?

La nuit, ça défile. À pleine gorge, le cri retenu, par quoi, par qui en moi, qui l’empêche. Dans le sommeil, on a de ces cris. On donnerait quoi, ensuite, pour les reproduire. Et davantage, oui, pour les rejoindre, rejoindre ce qui les a produites. Toi, peut-être, indéniable, plus que jamais, qui l’entends encore.
Des images de fin à trouver : c’est le sommeil qu’on nommerait. Une plage, par exemple, qui terminerait quelque chose en moi. Oui. L’image de la fin des terres étendues devant moi sous cette forme inaboutie de langues mortes léchant toute la surface d’un corps allongé quelque part & rendu à la contemplation des vagues qui viennent de plus en plus près jusqu’à lui, et le recouvriront.

J’ai renoncé depuis longtemps à l’art de dormir – celui de fabriquer de telles images pour ensorceler (ensorceler quoi ? quelle idée de lâche.) Je préfère tomber, ainsi, attendant que la fatigue soit la plus grande pour m’emporter. Chaque soir : mourir à ce jour, mais sans rien provoquer. Je ne résiste pas. J’attends. Quelque chose va arriver. Quelque chose arrive. J’ignore cette minute où les choses s’arrêtent. Peu importe puisque demain, il a fait jour. La mort n’était que cela. Demain, tout a repris. Moi, je suis à même place, prêt. La terre n’est jamais finie, le regard l’invente une aube après l’autre, c’est chaque matin une nouvelle mort de moins à laquelle survivre ; cette joie de lui succéder. La terre n’est jamais finie, de l’autre côté, cette eau vient la rejoindre et la recommencer.